Depuis le mois d’octobre 2018, le mouvement des Gilets jaunes a fait resurgir une notion : celle d'un France à deux vitesses. Resurgir, car ce phénomène n’est pas si nouveau que ça. Souvenez-vous, au début des années 2000, Jean-Pierre Raffarin se proclamait le porte-parole de la France d’en bas. Et bien avant lui, en 1837, Honoré de Balzac employait cette notion pour raconter les tribulations du jeune Lucien Rubempré, héros de la Comédie humaine. Rien de bien neuf donc, sauf que cette nouvelle croisée des mondes a désormais un maître conducteur : le digital. Et cela a engendré des interactions plus multiples, plus complexes. Prenez la cohabitation entre les vélos, les piétons, les trottinettes électriques, les voitures en ville : c’est devenu le grand bazar. Et dans nos métiers, cela a un impact fort.
En 1906, Ivy Lee, le créateur des relations publiques, n’a eu besoin que d’un communiqué de presse pour faire taire une grève violente des salariés américains du charbon. Aujourd’hui, avec l’émergence des réseaux sociaux, les crises se sont multipliées. Un simple tweet peut enflammer la toile. Et lorsqu'écho en est fait dans les médias traditionnels, c’est le chaos total. Récemment, les conseils de Donald Trump pour éteindre l’incendie de Notre-Dame a provoqué un certain tollé…
Des collectifs extrémistes usent des codes des réseaux sociaux pour toucher les marques, les fragiliser, les rendre coupables. L214, FoodWatch, Life269... sont devenus des porte-paroles très écoutés par les médias traditionnels. Dans les années 90, le scandale de la dioxine ou la crise de la vache folle était porté par les médias. Aujourd’hui, ce sont les journalistes qui relaient le travail d’investigation de ces réseaux. Et dans notre univers, il est par ailleurs très amusant de comparer la manière dont cohabitent l’ancien et le nouveau monde. Il y a d’un côté les journalistes et de l’autre les influenceurs. Et la dernière bataille de klaxon à laquelle j’ai assisté à Paris entre un chauffeur de taxi et un chauffeur Uber permet de bien comprendre la manière dont cohabitent ces deux publics.
Evolution du travail de journaliste
Les journalistes sont toujours bel et bien vivants, même si on a cru, à un moment donné, qu’ils disparaîtraient pour de bon. «L’arrivée des gratuits tuera la PQR», «les blogs, c’est la fin du journalisme !», pouvait-on entendre à une certaine époque. Malgré tous ces soubresauts, les médias traditionnels demeurent. Et aujourd’hui, avoir un reportage dans le JT de 20h de TF1, c’est s’assurer un bruit médiatique énorme sur les réseaux sociaux.
Bien sûr, la manière de travailler du journaliste a évolué. Je vais vous parler d'un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître. A Montmartre, en ce temps-là, les journalistes savaient rester plus d’une heure sur place. Ils appréciaient picorer quelques bouchées à l’issue d’une conférence de presse. Certains d’entre eux collectionnaient même les dossiers de presse originaux. Aujourd’hui, ils n’ont plus le temps. Certaines rédactions ont imposé des rythmes de rendu journalier qui obligent les journalistes à prioriser les sujets, à raccourcir les écrits... Alors, pour qu’une opération de RP devienne réellement influente, il faut se mettre dans la peau du journaliste, lui proposer du cousu-main, de l’exclusivité.
Frontières poreuses
Il y a des choses assez similaires qui font rejoindre nos deux mondes : l’exclu et la qualité de l’échange. Mais ça s’arrête là. Car pour convaincre une influenceuse beauté de parler de votre nouveau mascara, il faudra mettre le paquet, au sens propre comme au sens figuré. Une instagrameuse ne tient sa popularité qu’à son nombre de followers et d’interactions. Il est donc primordial de créer du contenu par rapport à son public. Mais c’est un peu la même chose pour le lectorat d’un média, sauf qu’ici, l’engagement ne se fera que s’il y a ce petit quelque chose d’inattendu auquel seule la blogueuse aura accès. L’hôtel de la piscine Molitor ? «Ah oui, j’y ai passé une soirée pyjama de ouf. J’avais l’hôtel pour moi toute seule et j’ai pu y tester les derniers mascaras de la marque !». Mais attention à la sortie de route : n’y invitez pas une journaliste, car là, c’est bataille d’oreillers assurée. J’exagère un peu, mais pas tant que ça…
Voilà donc deux mondes qu’il faut savoir faire cohabiter. Le BtoB au même titre que le BtoC peuvent développer leur marketing d’influence. Les frontières sont devenues poreuses. Parlons de relations publiCS pour traiter de communication d’influence : c’est en côtoyant tous vos publics d’influenceurs, en interagissant quotidiennement avec eux, on et offline, que vous ferez la différence. L’influence n’est pas uniquement le post sponsorisé avec la blogueuse à la mode. C’est une multitude d’interactions avec l’ensemble de votre écosystème. Aujourd’hui, tout le monde est capable de vous recommander, de vous détester, vous idolâtrer. J’aime / J’aime pas : voilà un rapport manichéen revenu à son sens le plus simple avec le marketing d’influence. Point d’influence sans médias. Point de médiatisation sans influences.