Vous avez dû en entendre parler, regarder certains matchs ou même faire vos pronostics avec les collègues. La Coupe du monde féminine de football touche bientôt à sa fin, sans nos Bleues, qui se sont faites éliminer le 28 juin par les États-Unis. Certes, cette année, la compétition a fait moins de bruit médiatique que le Mondial masculin en 2018, et j’imagine que peu d’entre nous sont capables de citer les noms des joueuses françaises titulaires. Et pourtant, il semblerait que 43% des fans de foot soient intéressés par le football féminin - et les supporters ne sont pas que des nanas.
Et si, en 2019, l’appel à l’égalité entre les genres est au plus fort partout dans notre société, le football n’est pas en reste. L’équipe nationale américaine a décidé d’attaquer en justice la fédération de football de son pays pour inégalités salariales (pour rappel, les joueuses américaines touchent en moyenne 40% du salaire de leurs compatriotes masculins) et le ballon d’or féminin (Ada Hegerberg) a refusé de participer à cette édition pour cette même revendication. Si certaines avancées sont visibles - en 2017, l’association de football norvégienne a annoncé la paie égale entre les hommes et les femmes de ses équipes nationales, suivi par la Nouvelle Zélande en 2018 - le match n’est pas encore gagné en France. Et ce n’est pas qu’une question d’argent, il s'agit de de défier les stéréotypes et les idéaux sportifs traditionnels.
Du côté des marques, nombreuses sont celles à avoir vu dans cette Coupe du monde une occasion de plus pour affirmer leur support à l’égalité des genres et au sport féminin. Parmi les meilleures offensives, le ballon d’or est décerné à Nike avec sa campagne «Dream Further», qui prône l’empowerment féminin et incite les jeunes générations de filles à devenir joueuses de foot ou coach pro. Dans le film, on suit l’épopée d’une jeune fille de 10 ans qui évolue sur le terrain et ailleurs, guidée à chaque fois par les plus grandes joueuses de foot du monde. Le visionnaire Nike imagine ainsi le FC Barcelone entraîné un jour par une femme.
L’accent mis sur la sous-médiatisation
Autre marque à s'être distinguée, Lucozade Sport, avec sa frissonnante action «The Lionesses», une ode au football incarné par tous, supporters comme joueurs. Un peu plus à la traîne, la SNCF qui a choisi dans son film de montrer des femmes, footballeuses et collaboratrices de l’entreprise, déjouant le destin et les stéréotypes qui leur étaient prédits, comme «T’es pas assez technique, t’auras pas la force, t’es pas faite pour ça. On nous a dit que ce n’était pas une place pour nous, alors on a décidé de la prendre». Car si les publicités de foot masculin représentent l’adversaire comme étant soi-même, pour les femmes, il existe bel et bien un adversaire extérieur («on nous a dit que…») renvoyé par la société.
Plusieurs tentatives ont mis l’accent sur la sous-médiatisation du football féminin et donc sur la méconnaissance de ces championnes. C'est le cas de Commerz Bank avec son film superbement réalisé, qui dépeint les huit fois championnes d’Europe allemandes, pourtant inconnues aux yeux de la plupart des Allemands. «We play for a nation that doesn’t even know our names» (Nous jouons pour un pays qui ne connaît même pas nos noms) proclame la publicité, soulignant les différences de traitement entre footballeurs hommes et femmes ainsi que les commentaires sexistes entendues.
Orange s'est aussi démarqué : après avoir réalisé un sondage auprès des Français sur la perception de cinq joueuses de l’équipe de France, l'opérateur a lancé une pub haute en couleurs dépeignant les chiffres alarmants qui attestent de la non-connaissance des joueuses. Carton rouge en revanche pour Budweiser, qui à cette occasion a décidé de représenter les joueuses de l’Angleterre par des actrices, et non par les joueuses elles-mêmes.
Approche moins revendicative
Autre approche adoptée par les marques durant cette Coupe du monde, la réalisation de films publicitaires qui sont moins dans la revendication, traitant les femmes de manière plus égalitaire avec les hommes. C’est le cas de Visa avec sa pub «One moment can change the game» (Un instant peut changer le match), dans laquelle on voit d’ailleurs les deux sexes disputer un match ensemble. C'est aussi l'approche choisie par ING, avec sa campagne allemande mettant en lumière les joueuses, l’intensité de leur entraînement et tous leurs efforts pour y arriver.
Au final, deux stratégies bien distinctes ont été choisies par les marques pour ce Mondial : d’un côté des messages assez revendicateurs et «go girl» (allez les filles), renvoyant à la dominance masculine footballistique ; et de l’autre, un discours moins engagé, moins politique mais qui au final renvoie à une certaine égalité de traitement. Cette Coupe du monde aura en tout cas été l’occasion pour les marques de se saisir d’un marché féminin en plein essor, d’adopter une posture plus engagée à ce sujet et surtout d’engager les jeunes générations, car la transmission est sûrement la valeur qui ressort le plus du VAR (video assistant referees).
Les marques qui souhaitent réellement s’impliquer dans le sport féminin doivent penser au-delà du sponsoring sportif classique et des communications qui y sont associées. L’engagement doit être plus authentique, moins opportuniste. Les marques titulaires doivent être prêtes à participer activement et concrètement, mais aussi à jouer un rôle de catalyseur en soutenant des initiatives en faveur du football féminin.