Avant, l’engagement, c’était simple. Il suffisait peu ou prou de dire que l’on était engagé, de l’inscrire dans des chartes d’entreprise, de créer si besoin un label, de connecter le tout dans une politique RSE, et le tour était joué. Récité sur tous les tons depuis dix ans dans la communication et la publicité, cet engagement à la papa n’est plus. Les beaux discours remplis de bonnes intentions ne trompent plus, ne suffisent plus. Les gens se sont éduqués. On l’a encore constaté il y a quelques jours lors des élections européennes : plus que des mots, ils veulent des actes, des vrais, des concrets.
Par engagement, on entend désormais la volonté et la capacité d’avoir un impact positif dans la société, d’apporter un mieux-être au consommateur, à une communauté de citoyens et à l’environnement. Appliquée à une entreprise, cette nouvelle définition va bien au-delà de la simple mission de base de proposer des biens, des produits, des services. Car un autre transfert, étrange, s’est opéré en parallèle. Des gouvernants, on n’attend plus grand-chose pour changer le monde. C’est aux entreprises que l’on demande désormais de faire bouger les choses et d’être les leviers du changement sociétal et politique.
A cet égard, les conclusions de l’étude Earned Brand 2018 de l’agence Elan-Edelman, publiée en novembre dernier, sont plus qu’éloquents. 37% des consommateurs français pensent que les entreprises ont des idées plus pertinentes que les politiques pour résoudre les problèmes de leur pays. Selon cette même étude, la communication autour des valeurs d’une marque, autrement dit tous les messages axés sur les valeurs qu’elle délivre, s’avère bien plus efficace que la communication produit (34% contre 28 %). Et 65% des consommateurs français (64 % au niveau mondial) disent acheter une marque – ou la boycotter - en fonction de leurs convictions et des prises de position de la marque. C’est 15 points de plus qu’en 2017. Ce phénomène ne concerne plus seulement les millennials ou une poignée de gens aisés, mais bel et bien tout le monde.
S’engager pour (re)devenir désirable et crédible
Jamais les consommateurs n’ont autant attendu des marques qu’elles s’engagent sur les grands sujets au cœur des enjeux sociétaux et politiques. En s’engageant, les marques sont devenues un objet politique et s’invitent désormais dans la démocratie. Chaque jour, le consommateur vote avec son porte-monnaie, plébiscitant des marques engagées ou, à l’inverse, boudant celles qui se positionnent mal ou pas du tout.
Pour les marques, c’est une toute nouvelle responsabilité mais surtout une vraie nécessité. S’engager, c’est l’assurance de se différencier, d’être désirée, d’être crédible. En matière d’engagement, tout est envisageable : de la défense ponctuelle d’une cause à un militantisme de longue haleine, en passant par des actions opportunistes. Peu importe, du moment que l’on prenne la parole. A cet égard, le «croyez en quelque chose même si vous devez tout sacrifier», la signature de la récente campagne de Nike pour les 30 ans du «Just do it» ferait presque figure de ligne de conduite à tenir pour les entreprises aujourd’hui.
Sans aller jusqu’au sacrifice, beaucoup de marques ont déjà compris cette nécessité de l’engagement. Parmi les exemples récents, on peut citer E.Leclerc, chantre de la lutte contre la vie chère, qui surfait en novembre dernier sur la colère des Gilets jaunes en proposant les carburants à prix coûtant. Ou encore Danone, qui, le 21 septembre 2018, reversait son chiffre d’affaires journalier au profit des agriculteurs. Sans oublier ce mouvement grandissant du Green Friday, réunissant des marques unies contre le Black Friday autour d’une consommation plus responsable et plus éthique… Aujourd’hui, sentiment d’urgence climatique oblige, ce sont les causes environnementales qui reviennent le plus souvent. Plastique, pesticides, emballages, on demande aux entreprises des solutions.
Etre cohérent avec ses valeurs
S’il est quasiment acquis que rien n’est pire que de ne s’engager dans rien, du côté des marques, la demande de conseils en matière d’engagement est très forte. Leur question n’est plus tant aujourd’hui «faut-il s’engager ?» mais «comment s’engager ?». Difficile d’apporter une réponse globale, tant chaque entreprise est spécifique. Le premier travail est un exercice d’alignement de l’engagement avec la marque et sa «raison d’être». Le type d’engagement dépend de son secteur d’activité, de son historique, des discours qu’elle a portés jusqu’alors. Impossible de mentir en opérant des virages soudains à 180 degrés en espérant que le consommateur y croit et suive. L’engagement doit reposer sur les fondamentaux de la marque et être perçu comme sincère, transparent, bienveillant. L’engagement implique aussi une certaine humilité de la marque, qui doit rester à l’écoute de ses publics, de leur retour, de leurs demandes.
La marque doit aussi s’engager sur des actions hors de ses simples produits. Ainsi, Good Goût, la marque d’alimentation pour bébés, a engagé une action durable impliquant les consommateurs eux-mêmes en misant sur l’intelligence collective. La grande consultation du goût sur YouTube a donné naissance à plus de dix projets ludiques et pédagogiques. Non seulement la prise de parole et de position doit être en lien avec l’écosystème de la marque, mais elle doit être identique et cohérente sur tous les points de contacts et tous les supports de communication : stratégie, innovation, retail design, architecture, branding, digital et packaging.
Le design au secours de l'engagement
Rien ne sert en effet de s’engager si ce n’est pas clairement perceptible au moment de l’acte d’achat jusque dans le point de vente. Ainsi Patagonia, marque très engagée sur le commerce éthique et l’économie circulaire depuis des décennies, n’est toujours pas suffisamment identifiée comme telle au-delà de son cœur de cible. C’est ici que le design peut être d’un grand secours, en agissant comme un formidable révélateur. Avec, en première ligne, le packaging, qui devient un nouveau support de communication engagée, le seul à pouvoir encore délivrer une information forte et de masse à l’heure des messages ultra ciblés du digital. C’est tout le sens de notre travail sur l’identité visuelle de Naturalia, autour de manifestes militants («Soyez libres d’être nature»).
On le constate : les petites marques s’avèrent parfois très réactives et imaginatives en matière d’engagement, d’autant plus lorsque la défiance des consommateurs grandit envers les mauvaises pratiques des grands groupes. Mais qu’on ne s’y trompe pas : les grandes entreprises ont, de leur côté, la capacité et la puissance d’avoir un réel impact positif pour la société de demain. Il est important qu’on leur refasse confiance. L’engagement est important pour toutes les marques car c’est, en somme, l’une des seules façons pour une marque aujourd’hui d’être crédible.