En 1968, se déroulait à la Défense le 37ème Salon des Arts Ménagers. Dans ce VivaTech avant l’heure, on y découvrait ce que l’industrie inventait de mieux en la matière. Des lave-vaisselle, des robots, des téléviseurs… Sous l’architecture triomphante du Cnit, la grand-messe de la consommation moderne se déroulait avec entrain, la réclame y battait son plein. Le progrès matérialiste allait de soi.
Une archive de l’INA relate ce qui, selon les futurologues du moment, allait advenir au 21ème siècle. C’est un bijou d’anticipation, à tel point que l’on peut se demander si ce document n’a pas été administré comme brief aux R&D de l’époque. Magnéto, serge ! Une musique joliment désuète, teintée de xylophone et de piano jazzy, un univers visuel inquiétant aux allures kubrickiennes – 2001 : l’Odyssée de l’espace sortait la même année –, une voix off de radio d’après-guerre, et nous voilà embarqués dans un quotidien familial où chacune de nos activités est régie par l’électronique : ainsi, dans ce futur fantasmé, chaque matin, nous consultons l’ordinateur pour un bilan médical et une prescription quotidienne, tant pour doser nos exercices et nos efforts que pour quantifier les calories à ingurgiter. Inutile pour les enfants d’aller à l’école. Ils suivent à la maison des cours vidéo diffusés sur un mur écran. Du reste, inutile également de nous déplacer au bureau, nous recevons à domicile, via des consoles vidéo, toutes les informations nécessaires pour travailler à la maison.
Pour les prospectivistes de l’époque, le commerce, c’est dépassé. Les catalogues papier ont disparu et nous pouvons commander directement à partir de nos télévisions. Quant aux loisirs, installés dans nos canapés, nous avons l’embarras du choix : jeux d’échecs contre l’ordinateur, films enregistrés diffusés selon nos envies, pratique de la musique sans apprentissage ou conversation avec des amis à l’autre bout du monde par écrans interposés… Le ton est incertain, il navigue entre ironie, incrédulité et inquiétude. Les badauds interrogés sur ces perspectives technologiques doutent.
En mars 68, ne fait pas encore ce qu'il te plaît