Tribune
Malgré le succès des plateformes fondées sur l'échange données-services, les internautes doivent redevenir maîtres de l'exploitation de leurs données. Aux marques aussi d'adopter une politique de collecte davantage axée sur le consommateur.

La vie privée est largement reconnue comme un droit humain fondamental. Pour autant, à l’ère numérique, nous avons le sentiment que notre vie privée est menacée, voire parfois qu’elle a disparu. Aujourd'hui, tout ce que nous faisons est facilement quantifiable et traçable. Nos données sont numérisées et soigneusement collectées, et leur partage est le prix à payer pour prendre part à l'économie numérique du XXIe siècle. D’un côté, les entreprises obtiennent des informations précieuses sur leurs publics et, de l’autre, les consommateurs accèdent à un service gratuitement. En principe, tout le monde profite de cet échange, sauf qu'en réalité, les avantages pour le consommateur sont souvent limités et l'expérience de marque, dégradée.

Très peu d’entreprises sont capables d’exploiter l'énorme volume d’informations collectées pour développer des produits et services qui profitent réellement aux consommateurs. Cette collecte excessive, généralement formalisée dans les conditions générales d’utilisation, ne leur offre généralement aucun avantage tangible. L’échange données-services est toujours fortement en faveur des géants de la technologie. Ce déséquilibre se manifeste dans la plupart des cas par une expérience utilisateur médiocre : les consommateurs reçoivent des recommandations non pertinentes. Dans certains cas extrêmes, ils peuvent causer un réel préjudice émotionnel, comme dans le cas de cette femme qui recevait sans cesse des publicités pour des produits infantiles après l’accouchement de son bébé mort-né.

Tragédie

Les consommateurs devraient être les propriétaires de leurs propres données et avoir le dernier mot quant à celles qu’ils choisissent de partager. La protection de la vie privée ne devrait pas seulement être un droit individuel, mais aussi un bien commun, accessible à tous. La perte de la confidentialité des données serait alors une tragédie et non une anecdote inévitable.

Pour sortir de cet échange déséquilibré, il faut cesser de penser que tout sur internet doit être gratuit. Aujourd’hui, seuls ceux qui ont les moyens de payer pour des services haut de gamme et sans publicité peuvent échapper à la collecte de données. C'est d’autant plus un problème qu’il est presque impossible de ne pas utiliser ces services numériques fournis par les géants de la technologie.

On a appris récemment que Facebook payait 20 dollars par mois aux États-Unis des jeunes utilisateurs pour qu’ils le laissent tracker leur activité. Mettre un prix sur la confidentialité des données devrait être directement lié à la valeur générée par ces données, et non pas être arbitrairement défini par une entreprise de technologie. Apple est peut-être la seule exception : la confidentialité des données est même devenue un argument de vente essentiel, et une justification partielle de leurs prix élevés.

Comprendre ses utilisateurs

Alors comment restaurer l'équilibre ? Les marques peuvent adopter une politique de collecte de données davantage axée sur le consommateur, en recueillant uniquement les données souhaitées et lier chaque donnée à un avantage tangible pour le consommateur. Les marques ont aussi la possibilité de comprendre leurs utilisateurs via des plateformes qu’elles-mêmes peuvent créer. Elles collectent ainsi des données non personnelles qui, une fois agrégées, reflètent directement ce que veulent les consommateurs. Enfin, la transparence est importante. Les marques doivent éviter tout jargon juridique et expliquer clairement pourquoi elles collectent des données.

Il y aura toujours une place dans l’économie numérique pour les modèles financés par la publicité, et l'échange données-services est certainement voué à perdurer. Mais on trouvera probablement bientôt les moyens de mettre un frein aux pratiques discutables des géants de la technologie.

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