Patronne d’agence, je ne l’ai pas toujours été. Dans ma première agence, le directeur général rentrait tous les matins dans la salle où toutes les chefs de pubs étaient réunies et nous lâchait narquois : « ça va les charrues ? ». Et le rituel recommençait chaque matin. Nous, comme dans une basse-cour, on gloussait bêtement…
Ça ne m’a pas empêché d’adorer mon métier de publicitaire, mais avouons-le : il est dur. D’abord parce qu’il faut avoir des idées mais surtout savoir les vendre et cher. Forcément, il attire les belles mécaniques intellectuelles, les personnalités séduisantes, charismatiques, sûres d’elles et intuitives. Il recrute ses dirigeants principalement dans une même catégorie de profils psychologiques, majoritairement trustée par des hommes.
S’il n’était pas pubard, il pourrait être avocat, cinéaste ou politique. Plutôt beau gosse, brillant, éloquent, il enchante son auditoire, avec un raisonnement fine lame, de l’humour, une vraie présence physique. Seulement, tout chef qu’il est, il n’existe qu’avec un public. Il veut lui montrer qu’il est le plus fort, qu’il a du pouvoir, se rassurer sur sa séduction, qu’il teste d’ailleurs constamment. Il s’aime, ou cache une profonde insécurité mais le résultat est le même : il ne parle que de lui, fait des blagues à deux balles, souvent aux dépens des autres, de leur physique, et surtout aux dépens des filles… qu’il aime tant séduire.
Pour un leadership sans abus de pouvoir
Dans une organisation comme chez Grenade & Sparks, ce type de profil ne peut pas s’épanouir. Parce qu’en montant sa boîte, on choisit ses associés, ses collaborateurs, avec une parité hommes-femmes au comité de direction. Jamais un dirigeant n’a confondu leadership et abus de pouvoir. Ça ne nous empêche pas de nous marrer et même de rire de tout, avec tous et contre personne.
Il y a quelques jours, notre nouveau directeur de création s’étonnait de la bienveillance qui règne à l’agence, du côté humain qui s’en dégage. Et c’est une réflexion qu’on me fait souvent : « Les gens ont l’air heureux ici », « il y a une bonne ambiance, j’ai été très bien accueilli »…
Au début, je me suis posée quelques questions : aurais-je un management trop consensuel, trop laxiste ? Mais non, bien au contraire. La bienveillance est une vraie valeur et n’empêche pas de dire des choses difficiles. C’est une question d’équilibre parfois fragile. Surtout qu’en face, nous avons des clients pressurisés, stressés, qui reportent leur mal-être sur les agences. Alors oui, l’écoute, l’entraide, l’empathie, la reconnaissance, la confiance entre collaborateurs rendent ce métier plus supportable et plus performant.
Ne devenons pas haineuses
La profession va se féminiser. Même dans les hauts étages, et c’est une bonne chose. Mais gare aux revendications revanchardes. Ne devenons pas haineuses, balancer à tout va, voire jouer parfois le jeu des RH peu scrupuleux qui trouvent avec le harcèlement un bon moyen de se débarrasser des salariés chers, sans rien payer. Là aussi, il y a des vrais dossiers !
Ne cherchons pas non plus à inverser le rapport de force, en singeant des comportements masculins excessifs (démontrant ainsi qu’ils seraient les seuls valables), mais cherchons plutôt à l’équilibrer. Oui, les femmes doivent briguer plus de postes stratégiques, à la direction, au commercial et surtout à la création, parce qu’elles en ont la compétence, pas au nom d’un égalitarisme. Elles doivent faire bouger les lignes, à commencer par les stéréotypes féminins que nous véhiculons encore trop dans les pubs. Elles doivent oser et avoir confiance. Oser parler en réunion, oser exprimer leurs convictions, oser se tromper parfois, oser diriger aussi. Et le faire avec les hommes. Car sachez-le, la compétence n’a pas de sexe.