Tribune
Si Jacques Séguéla estime que rien ne remplace le spot publicitaire dans la fabrication de l'âme des marques, l'époque actuelle leur impose d'animer leurs communautés sur les réseaux sociaux. Et là aussi, il s'agit de créativité.

Dans son dernier livre Le Diable s’habille en Gafa, Jacques Séguéla, nostalgique des « 30 glorieuses de la publicité », semble opposer création publicitaire et création sur les réseaux sociaux. Selon lui, « le plus efficace fabricant d’ADN, cette âme des marques, reste le spot et aucun format, aucun autre média, n’a su à ce jour le remplacer ». Loin de moi l’idée de décrier le fameux spot publicitaire, mais il me semble prématuré de clamer haut et fort que rien ne le remplacera. Regardez du côté des digital native vertical brands : de fameuses marques comme Jimmy Fairly, Made.com ou encore Sézane se sont créées par le digital, sans spot publicitaire, sans intermédiaire avec les consommateurs.

Inévitable advertainment

Le paradigme a aujourd’hui changé. Comme le souligne Jacques Séguéla, jamais autant de contenu n’a été créé ces dernières années. En tant que marque, capter le « temps de cerveau humain disponible » de son audience n’a jamais été aussi complexe. Pour rivaliser avec la concurrence des créateurs de contenus, communément appelés les influenceurs – et c’est là où je vous rejoins monsieur Séguéla –, les marques n’ont plus le choix que de penser « advertainment » pour engager leurs audiences. Alors cessons d’opposer création publicitaire et création sur les réseaux sociaux. Aujourd’hui, pour rester dans le top of mind de leurs consommateurs tout au long de l’année, les marques n’ont d’autre choix que d’animer leurs communautés via de la création sur les réseaux.

Prenons l’exemple de Decathlon (1), récemment couronnée cinquième best corporate brand en France dans le classement Best Brands 2019. Celui-ci souligne certainement le succès des spots TV et la capacité d’innovation du groupe, mais il est fort à parier que sa capacité à animer dans la quotidienneté sa communauté sur les réseaux sociaux impacte positivement son ADN en tant que marque moderne, proche de ses clients. L’engouement autour de leur dernière campagne, pour la réédition d’un de leurs joggings de 1985, fut tel que le volume de conversations à propos de Decathlon est passé de 776 mentions la veille de l’ouverture des ventes du #JOG85 à plus de 6 200 mentions le jour J. Un tel succès que les 1 000 exemplaires ont été vendus en seulement quelques minutes.

Le CM, nouveau créatif ?

#JOG85 n’est qu’un exemple parmi tant d’autres de la part de Decathlon, qui a cette capacité à écouter et à animer sa communauté quotidiennement. Le community manager fait souvent la une des réseaux sociaux avec des répliques dignes d’un très bon concepteur-rédacteur, attirant des milliers de likes et de RT. Est-ce de la création au sens où l’entendent les publicitaires ? J’imagine que non puisque lorsque l’on regarde les grands prix publicitaires, très peu de ces activités d’engagement de la communauté sont lauréates. Et pourtant, au-delà des spots, ne faudrait-il pas se dire que la capacité d’une marque à engager des millions de personnes sur les réseaux sociaux tout au long de l’année est également une forme de créativité ?

Alors, en tant que communicants, arrêtons de regarder le passé et ne soyons plus tentés de penser que seuls les spots publicitaires illustrent la créativité. Au lieu de se demander comment et par quels moyens une marque peut toucher sa cible, réfléchissons en premier lieu aux raisons qui font que cette marque mérite de rentrer en conversation avec cette dite cible. C’est ce que font des marques comme Decathlon, qui imaginent de l’engagement créatif via la compréhension de leur cible et de leurs comportements. Ce n’est pas un spot, mais cela s’appelle également de la créativité, messieurs les publicitaires ! 

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