Tribune
A l’heure où la transformation est la voie pour pérenniser son activité, une stratégie RH hybride reposant sur la co-conception et l’intégration de talents indépendants pourrait changer la donne en termes d’innovations, de turn over et d'anticipation de nouveaux marchés.

Dans le secteur de la com’, la convergence des métiers fait rage et le mix d’expertises oblige les structures à se transformer. Le marché tente de se réinventer avec des alliances stratégiques et des métamorphoses de bonne fortune. La plupart des agences RP proposent désormais du web social avec en figure de proue le community management, alors que les agences conseil progressent sur une dimension conseil en stratégie d’entreprise en abordant des volets RH ou gouvernance. Avec l’intégration d’expertises extérieures et une organisation plus modulable, l’hybridation peut être la voie pour analyser des signaux faibles, mieux comprendre les évolutions de la société, et ainsi relever les nouveaux défis de marchés connexes.

Dans ce contexte, le freelance est un collaborateur au cœur de l’hybridation. Le nombre de travailleurs indépendants a explosé en 10 ans (+126%, représentant 830 000 freelances dans l’Hexagone). Ceci étant, cela demande aux entreprises de repenser leur mode collaboratif. Avec des parcours hors des sentiers battus et des compétences souvent pluridisciplinaires, intégrer ces électrons libres n’est pas chose facile. Évoluant dans un circuit à part, se débrouillant seul tout en côtoyant des métiers variés, le freelance acquiert des compétences multiples : 28% d’entre eux exercent plusieurs métiers. Au vu des convergences actuelles, le freelance a certainement plus à offrir que de répondre à des pics d’activité. Un profil à multi-casquettes s’avère stratégique pour consolider une équipe et proposer de nouvelles offres.

En solo, le freelance développe sa résilience, l’obligeant à faire preuve d’innovation. Constamment en transition, il doit redoubler d’efforts pour fournir les résultats escomptés et gagner la confiance. Une position qui pousse à ne rien lâcher. Un engagement sans failles est la seule garantie de succès des projets confiés. Néanmoins, sa démarche est aussi centrée sur le développement personnel puisqu’il s’offre le luxe de choisir ses projets et ses collaborateurs. Cette quête donne lieu à une source de satisfaction réelle : l’étude menée par OnePoll révèle que les entrepreneurs sont plus heureux (81%) que les salariés (70%), et qu’ils seraient aussi moins stressés (43% vs 61%). Si l’aventure est positive, il serait temps que les entreprises adaptent leurs politiques RH en amorçant des stratégies d’inclusion permettant d’anticiper les besoins, d’identifier et dépasser les freins pour tirer les bénéfices de collaborateurs heureux, engagés et innovants.

Confiance mutuelle

Comment intégrer ce type de collaborateur dans une stratégie collaborative ? La co-conception prône une l’idée simple : travailler dans le même sens de façon transparente, ce qui devrait se faire avec tout collaborateur, me diriez-vous ? Pas si simple car cela implique de considérer le freelance comme un membre à part entière de l’équipe mais aussi miser sur une confiance mutuelle. Intégrer ce regard neuf et ces compétences extérieures en amont de la réflexion offre la possibilité de produire selon les cas des briefs, des recommandations ou des dispositifs de qualité. Afin de conserver son agilité et développer sa valeur ajoutée, l’agence a tout intérêt à élargir et optimiser son réseau de freelances. Un réseau qui devient soudainement une botte secrète, une source d’expertises, de parcours et d’expériences, qui peuvent même amener l’agence à se positionner autrement et/ou renouveler sa relation client.

«Un consultant senior qui va nous coûter un bras n'est pas envisageable sur ce budget et puis, on n'a pas le temps de le briefer correctement.» C'est ce qui est bien souvent invoqué, mais il devient utile de déconstruire des idées reçues. Les consultants externes ne sont pas plus chers que ceux facturés au client, sinon il serait évident que les freelances ne pourraient jamais accompagner des agences. L’inverse n’est pas forcément juste aussi : les compétences et l’expérience ont un prix, bien qu’une structure unipersonnelle a moins de charges.

Un réseau large et solide de compétences testées et approuvées permet de trouver rapidement le talent ainsi que le rythme de collaboration appropriés. Positionner le profil adéquat au bon moment pour sécuriser un projet, alléger une équipe, disposer de temps pour prospecter ou se consacrer à des tâches créatrices de valeurs, et surtout s'enrichir de nouvelles façons de travailler, est un avantage concurrentiel pour une structure qui pallie l’urgence. Un carnet d'adresses de freelances bien rempli ne serait-il pas aussi stratégique qu'un portefeuille clients bien fourni ?

Capacité à challenger l'entreprise

Face à des transformations ou des enjeux d’innovation, le freelance s’avère un atout de taille. Le mode projet est devenu un procédé commun pour les entreprises qui souhaitent développer des produits ou services digitaux, voire se réinventer. Souvent appelé à la rescousse pour renforcer une équipe projet - n’étant pas imprégné de la culture interne - le freelance ne calque pas les processus et s’attache aux résultats. Sa position et ses convictions lui confèrent une capacité à challenger l'entreprise et à faire bouger des lignes. Grâce à sa culture et son implication, le freelance provoque des changements et accélère des transformations délicates à réaliser sans appui extérieur.

Une entreprise qui délivre une prestation clé en main préserve généralement son secret de fabrication. Or le freelance, lui, transmet ses compétences ; non pas par pure altruisme mais tout simplement du fait qu’il travaille la plupart du temps en mode projet. Il est rare qu'un projet soit entièrement externalisé ; le freelance prend l’habitude et le temps de former ses interlocuteurs. Pour les entreprises qui explorent de nouveaux modes d’organisation, c’est une mine d'or. L'intégration de nouveaux savoirs est bel et bien stratégique pour faire avancer des dossiers plus rapidement, mais aussi acquérir des savoir-faire utiles au développement personnel et commercial.

Il ne s’agit pas là de mettre en opposition l’indépendance au salariat mais bien de mettre en évidence le potentiel d’innovation d’une collaboration entre entités hétéroclites issues de cultures et d’organisations diversifiées. Le freelance devient l’agence des agences, où la capacité de challenger les entreprises qu’il accompagne est une force : un mélange des genres et une intelligence collective qui méritent d’être cultivés.

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