Chronique

Danone vient de faire une déclaration d’amour à la jeunesse, dans son spot « One Planet, One Health ». Face caméra, une succession de portraits affirment : « Nous sommes la première génération qui sait » (pour le climat). L’annonceur leur dit donc (aux jeunes) qu’ils sont malins, qu’ils ont tout compris et que vraiment, eux, on va les considérer (c’est vrai ce serait sot, pour une fois qu’il y a une génération qui pige ce qui se passe !). Emporté par cet élan sympathique, l'entreprise annonce qu’elle versera une journée de son chiffre d’affaires pour aider la transition écologique. Ben oui, les jeunes, ils sont au courant que la crise environnementale a de bonnes chances de saper leur confort, leur sécurité et leur avenir. Et voilà-t-y pas que ça rouspète sur la toile. Le problème avec les jeunes qui-ont-tout-compris c’est qu’ils posent des questions. Dès que l’entreprise a annoncé le montant du don (5,4 millions d’euros), ces foutus jeunes ont sorti la calculette. Le CA 2017 de Danone étant de 24 milliards d’euros, ils n’arrivaient plus à faire la règle de trois.

Cette campagne est pourtant une super nouvelle ! On a vraiment besoin qu’une entreprise comme Danone soit réveillée et consciente sur les sujets essentiels de la transition alimentaire. Son patron, Emmanuel Faber, a très clairement dessiné la transformation de l’entreprise au regard de ses enjeux sociaux et environnementaux. Le message que le groupe renvoie est urgent. Comme le secteur de l’industrie agroalimentaire, globalement, il doit améliorer toutes ses pratiques.

 

L’agriculture régénératrice, une révolution

Surtout, les activités agricoles en amont pèsent lourd en impacts de toutes sortes. Là-dessus, Danone a osé un pas crucial. Un concept a été brandi : l’agriculture régénératrice. Disons-le, c’est une prise de position révolutionnaire. Il s’agit de transformer une activité très pénalisante pour les écosystèmes en activité réparatrice.

Mais, se disent les jeunes-très-malins, que pèsent 5,4 millions face à un défi aussi énorme ? Quand des scientifiques annoncent l’effondrement de la nature, l’économie, ils les croient, eux. Nos grand pas à nous, annoncés en (très) grand… leur semblent des tous petits pas en trompe-l’oeil.

Certes, Danone parle avec lucidité, et c’est louable. Mais, dis papi, que pèsent 5,4 millions face à un tel défi ? 5,4 millions, c’est l’équivalent d’un petit budget pub. On entend d’ici le calcul : «Oui, mais avec cela, nous gagnons plus de retentissement que pour le même investissement en média. » Oui, ça aussi les jeunes le savent. 5,4 millions, c’est une reason-to-believe déceptive, c’est une raison de ne pas nous croire.



Travaillons avec les « jamais-contents » !

Alors, quand est-ce qu’on se bouge ? Quand démoderons-nous la surpromesse, qui scie la confiance (fatiguée) sur laquelle nous sommes (encore) assis ?

Parlons davantage avec les plus lucides avant d’appuyer sur le bouton « diffusion ». Ce que nous rappelle cette « Première génération qui sait », cette catastrophe monstrueuse qui démarre, ayons-la à l’esprit - mais vraiment – quand nous choisissons nos campagnes. Ce qui arrive est dramatique : le spot lui-même le dit. Proposons à cette génération des messages « qui savent », des stratégies « qui savent ». Travaillons avec ces « jamais-contents » de nouvelles promesses, plus puissantes, plus solides. Partageons le pouvoir du message.

Mais là, gaffe, parce qu’on pourrait tomber nez à nez avec le PIRE des jeunes. Un dangereux, celui-là. Celui qui est en nous. Il sait tout ce qu’on sait. Même notre peur de changer. Celui-là, si on le laisse parler, il est capable de nous réveiller, nous faire prendre des risques, rouvrir les yeux, accélérer, sauter à l’eau, rajeunir, revivre. Lui se rappelle qu’on reste toute l’existence des joyeux apprentis.  En joyeux sursis.

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