Chronique

Tandis que l’advertising week s’ouvrait lundi à New York sur une conversation anxieuse (« Why retail isn’t dying »), la fashion week globale était sur le point de toucher à sa fin, à Paris, après un mois de caravane entre les principales capitales de la mode.

Alors que les forums de la profession publicitaire continuent de gloser sur des catégories usées (lundi à 13h30, « Storytelling that sells »…), l’industrie de la mode a l’audace de se convoquer en duel plusieurs fois par an, lors d’une gigantesque mise en scène de la compétition féroce qui l’anime. Trois cents shows en quatre semaines, avec pour conséquence une exigence de niveau qu’aucune autre catégorie ne connaît. C’est en partie là que s’invente l’avenir de la publicité et de la communication – même pour les catégories qui ne relèvent pas du luxe.

Exit les agences traditionnelles

Pour ce qui est de cette fashion week printemps/été 2019, on fera quelques remarques. On savait que la mode est le secteur où l’image a la plus grande importance. C’est en train de se matérialiser dans les formes de leadership. Le signal le plus fort envoyé en 2018 à cet égard fut l’exigence d’Hedi Slimane d’être nommé « directeur de la création artistique et de l’image de Celine », tel qu’annoncé par le communiqué investisseurs de LVMH en janvier 2018. À l’heure où tout va si vite, un chief product officer et un chief marketing officer qui seraient une seule et même personne, c’est à méditer.

Se confirme aussi que l’excellence de la mode exclut largement les agences traditionnelles de publicité et de communication. Hormis pour le show L’Oréal, mais qui est en dehors du programme officiel de la fashion week, les agences habituelles sont tenues à l'écart du secteur. Hedi Slimane, pour revenir à lui, shoote lui-même ses campagnes, et les films Gucci qui ont tant fait parler d’eux ces dernières années ne doivent rien à une agence de publicité. C’est quand même un problème si le secteur le plus innovant en matière d’image se passe globalement des agences, ou ne fait appel qu’à des agences très spécialisées (certaines des meilleures, d’ailleurs, fondées par des Français).

Produits hybrides

Le problème se corse quand on voit que les principaux annonceurs mondiaux cherchent à profiter du niveau de jeu pour apprendre. Deux exemples parmi d’autres. D’un coté Nike, qui plutôt que de faire une collaboration se lance directement dans une collection avec le label Off-White (qui défile à Paris) et son directeur artistique Virgil Abloh, par ailleurs DA de Louis Vuitton (hommes) depuis ce printemps : « Imaginez que vous combinez le meilleur des tenues sportives – performance, fabrication, sensibilité – pour le transposer dans la mode. C’est Nike couture. » (1)

Nike couture, nous y sommes. Apple, de son côté, était comme tenté de s’inviter depuis la Californie au programme de la fashion week new-yorkaise en dévoilant ses nouveaux Iphone la semaine où Ralph Lauren fêtait ses 50 ans lors d’un défilé monstre de l’autre côté du pays. Apple, qui a trouvé la parade à la concurrence effrénée des constructeurs asiatiques en injectant de l’épaisseur dans l’Iphone pour en faire un produit hybride entre la technologie et le style, un produit couture – stratégie inaugurée il y a un an et qui a produit des résultats au-delà des espérances. Mieux vaut augmenter la profondeur du produit que la surface de son écran.

C’est désormais dans la mode que ça se passe, et par ruissellement cela concerne toutes les catégories. Voilà un message clair à l’intention des malchanceux qui étaient inscrits au séminaire « transforming Miss America », programmé à l’Ad Week de New York mardi à 14 heures. Franchement, il valait mieux être à Paris au même moment pour l’ultime défilé, Louis Vuitton.



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