Tribune
Le boom du vocal et la croissance exponentielle de la vidéo rebattent les cartes du search. Reste la question de la protection des données des utilisateurs.

Au Google Marketing Live de San José en juillet, deux tendances se sont profilées. Tout d’abord, Google qui amalgame ses plateformes publicitaires en une seule. Ainsi, Google Ads devient une offre publicitaire parmi d’autres ; rien de surprenant dès lors que le potentiel de croissance aujourd’hui est principalement dans la vidéo. Mais surtout, cela montre que Google abat des murs entre les data issues de ses différents canaux. Un gros avantage dans la bataille contre Facebook. L’autre tendance, c’est l’intelligence artificielle qui devient omniprésente. Hyperlocalisation, hyperpersonnalisation, hyperautomatisation des campagnes : ces nouvelles fonctions permettent à Google d’adresser les PME-TPE, qui jusque-là étaient hors de portée. Elles correspondent aussi aux besoins des géants de l’e-distribution. Plus je segmente mes audiences, plus j’ai de produits, plus le nombre « segments x audiences » grossit et plus l’adaptation des enchères des messages marketing devient ingérable à la main. Google met du deep learning partout où l’optimisation coûtait plus cher à l’annonceur que de dépenser sans optimiser.

Data et deep learning

Ici, pas de révolution mais de l’industrialisation. La recherche vocale, elle, relève de la révolution. Reste des questions de fond à résoudre : si je peux choisir une pizzeria dans une liste de sept résultats à l’écran, je ne peux pas mémoriser sept adresses que mon enceinte énonce. Autre interrogation : à quoi ressemble une publicité avant les résultats naturels en audio ? Enfin, s’il n’a pas d’écran, comment mon fils voit-il les Nike 97 dont on lui a parlé ? Une partie des solutions réside dans la data et le deep learning. Plus on a d’informations sur le contexte (géolocalisation, device, émetteur de la requête…), plus le nombre de résultats pertinents se restreint.

La deuxième bascule qui s’annonce tient à la nature de ce que Google indexe : du texte. Même une vidéo n’était référencée jusque-là que par ses metadonnées. Aujourd’hui, les algorithmes commencent à reconnaître des contenus et des personnes dans une image ou une vidéo, tandis que naissent des outils qui génèrent du contenu vidéo automatiquement autour d’un corpus sémantique. Et si je n’ai pas de vidéo pour illustrer mon contenu, je peux désormais en fabriquer. Des applications comme FakeApp permettent par exemple de mettre la tête de Donald Trump sur le corps d’une danseuse depuis un simple PC, sans qu’on puisse établir que c’est un faux. Il est possible aussi de changer le discours d’un speaker avec ses mouvements de lèvres. Face à ce phénomène, la loi anti-fake news d’Emmanuel Macron relève du pistolet à bouchon !

Maîtrise de l’image et protection des données

Tout cela pose question. Pour avoir des résultats pertinents, il nous faut laisser les Gafa récupérer plus de choses sur nos vies. Auparavant, une photo publiée sur Facebook n’était repérée que si quelqu’un l’avait taguée. Si maintenant c’est automatique, la maîtrise de mon image m’échappe… La data devient donc pléthorique et seuls les Gafa (et leurs consorts chinois) ont la puissance de la traiter pour générer encore plus de data. De surcroît, ces géants coupent parfois la lumière sur des pans entiers de cette information, voire la privatisent.

Je me demande si l’IA ne les protège pas du RGPD. En effet, avec 2 milliards de profils d’utilisateurs, il y en a bien quelques milliers qui ont le même profil data que moi. Il est donc possible de me pousser une offre même si seule la donnée anonymisée est utilisée. En revanche, un site qui n’aurait que 3 000 clients n’a peut-être que quelques dizaines de profils ressemblants, ce qui est trop peu pour l’IA et les statistiques. On peut se demander si, dans ces conditions, le RGPD couplé à l’IA ne creuserait pas plutôt l’écart entre les gros et les petits.

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