Chronique

Beaucoup des belles histoires d’entrepreneuriat en agence sont passées par d’improbables rencontres et de belles associations de talents. Il y a eu l’époque des pionniers aux États-Unis en 1928 avec BBDO (Batten, Barton, Durstine & Osborn), en 1942 avec FCB (Foote, Cone & Belding) ou en 1949 avec DDB (Doyle, Dane, Bernbach), et dans la France des Trente Glorieuses avec RSCG (Roux, Séguéla, Cayzac, Goudard), FCA (Feldman Calleux & Associés), BDDP (Boulet, Dru, Dupuy, Petit) et plus tard BETC (Babinet, Erra, Tong Cuong). Certains, en bons artisans, se sont même associés entre frères. C’est la belle histoire de Vincent et David Leclabart, cofondateurs d’Australie.

Marqueur de l’époque, dans les créations récentes d’agences, il semble qu’il y ait plus d’initiatives individuelles soutenues par des financiers que d’aventures collectives à deux, à trois ou quatre associés. C’est dommage car à l’entrepreneuriat, qui est déjà une belle histoire, peut s’ajouter celle plus discrète, plus intime de l’association.

Je souhaite à tous les professionnels de la communication de rencontrer la personnalité avec laquelle ils auront envie de lier leur destin professionnel.

Colère contre colère

S’associer, c’est d’abord admirer. Admirer un talent que l’on n’a pas. Un talent que l’on observe discrètement, de réunion en réunion, de voyage en voyage. Chaque jour apporte son lot d’informations sur la personne, sa manière d’être, sa manière de faire. Vous décelez un tour de main unique. Vous admirez des qualités, et vous vous surprenez tout doucement à aimer les défauts. Connaître son futur associé prend du temps.

S’associer, c’est partager. Partager des multitudes de projets. Comment ne pas évoquer notre première rencontre avec Gilles Deléris sur une compétition du ministère du Travail, alors que nous étions chez BDDP. C’était la première fois que la France passait le funeste cap des trois millions de chômeurs. Il fallait lancer de toute urgence une exonération pour l’emploi des jeunes. Le tout dans la précipitation la plus totale… J’avais juré au directeur de création (Gilles) que les éléments arriveraient dans la soirée. Je ne pus les apporter qu’à quatre heures du matin ! L’accueil fut plus que frais ! « C’est très politique… », avais-je livré comme seul argument pour excuser mon retard. Gilles considéra qu’il était de son devoir de défendre la corporation des créatifs endormis devant leur écran. Colère contre colère, je défendais celle des consultants tenaces ayant obtenu de nuit la validation d’un doc Insee à sept autocopiants. Voyant le jour se lever, et le retard supplémentaire dû à notre engueulade, le tout s’acheva par un immense éclat de rire qui scella sans le savoir notre association future.

« Si ce n’est pas moi qui te le dis… »

S’associer, c’est grandir grâce au regard de l’autre. « Si ce n’est pas moi qui te le dis… » est le début de la phrase rituelle qui annonce un langage de vérité lorsqu’il revient à l’associé de dire, porte close, ce que les autres n’osent pas. Au nom de l’œuvre collective, il faut parfois prendre son courage à deux mains pour dire ou pour entendre une parole vraie !

S’associer, c’est rire de tout et de rien. Quand les quarantièmes rugissants déferlent, quand rien ne se passe comme prévu, le mieux est souvent d’en rire… Alors un conseil : choisissez un associé qui a de l’humour et qui vous fait rire. L’esprit de sérieux est le pire poison de l’entrepreneur.

S’associer, enfin, c’est transmettre. Le collaboratif est à la base de toute association réussie. Combien de fois fait-on réagir l’autre sur un sujet qui pourtant relève de sa responsabilité ? L’écoute, la délégation, la confiance, base de toute association vraie, rendent l’entreprise attractive, tant on sait qu’il y fait bon vivre et qu’il y a de la place pour tous les talents.

W s’apprêtant à fêter son 20e anniversaire, je dédie cette chronique à Gilles Deléris, mon associé que j’admire depuis longtemps, avec qui je partage tout (ou presque), qui me grandit tous les jours, qui aime rire, et sait transmettre au plus grand nombre notre passion du métier. Vivement demain !

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