Mobilis in Mobile

Ce n’est pas la première fois que Google, cet ami qui nous veut toujours du bien, en a après nos cheveux. Déjà, dans The New Digital Age, Eric Schmidt, ex-CEO et alors executive chairman de Google, l’homme qui apporta au moteur de recherche son modèle économique, et Jared Cohen, à l’époque patron de Google Ideas après avoir été bras droit de Condolezza Rice – la secrétaire d’État de George W. Bush –, nous promettaient que grâce au digital, « nos coupes de cheveux seraient automatisées, parfaites grâce aux machines ».

Je me souviens de ce passage très précisément. Incongru. Tout à coup, comme la couture d’un vêtement prête à lâcher, toute la facture du propos semblait discutable, peut-être même ridicule. Cette idée de la machine qui remplacerait enfin ce satané figaro, qui nous économiserait tout ce temps perdu devant de vieux magazines à parler de la pluie et du beau temps, qui nous éviterait ce souci de soi, de son allure… Cette vision « à la 1984 », d’une coupe standard à porter avec des vêtements gris, n’était-elle pas l’angle mort de deux mâles blancs américains entre deux âges, sans doute sujets à l’alopécie ?

Coupe réglée

Puis il y a quelques semaines, Google, désormais dirigé par Sundar Pichai, a poussé son avantage lors de sa conférence annuelle Google I/O, en pleine tourmente Cambridge Analytica et alors que les Gafa semblaient un peu déclassés par le super-héros Elon Musk et leurs homologues chinois. La communauté geek en avait marre des itérations (iPhone n+1 et nouvelles sucreries Android), elle espérait du lourd. Elle a été plutôt servie. Et quel a été le climax de la conférence ? La démonstration de la nouvelle technologie Duplex de Google, qui combine plusieurs atouts maîtres du géant de Mountain View pour déclencher un appel automatique, d’un robot donc vers un opérateur humain. Et devinez quel est le premier exemple choisi ? Un coiffeur bien sûr, qui lors de la démo répond à la demande notre robot pour prendre rendez-vous : « Make me a haircut appointment on Tuesday morning anytime between 10 and 12. »

Le subterfuge ne vous aura pas échappé, lecteurs sagaces ! Google humilie les coiffeurs et les asservit à coup de robots. Bientôt, pris dans ses filets, nos merlans, Jacques Dessange, Jean-Louis David, Franck Provost, Christophe Robin, Eric Zemmour (le vrai)… ne le vaudront plus bien, ils ne vaudront plus rien.

Le monde selon Google

Si je m’accroche à ces chroniques et leur rythme, c’est pour que nous résistions ensemble. Dans la soute à ramer, plutôt qu’à siroter l’ambroisie de l’Olympe californienne, car n’oublions jamais que si le futur est déjà là, il mérite d’être partagé par tous et que notre obsession lorsque nous tirons sur nos pagaies avec nos mains calleuses, c’est de rendre plusieurs futurs possibles.

Vous voulez vous motiver ? Regardez donc la vidéo de Google X, révélée mi-mai par The Verge et reprise par Le Temps. On y voit un monde façonné à l’image de Google et comment toutes nos données peuvent être utilisées pour modifier le code génétique et les caractéristiques physiologiques des générations futures. En mieux, bien sûr. Et Google de nous inviter à cette occasion à manger plus sain, protéger l’environnement et promouvoir l’économie locale. Sans doute gêné par cette fuite – et je ne crois pas qu’il y ait malice ou complot, c’est simplement une idée et une vidéo parmi mille autres –, Google nous a rassurés : « (cette) opération n’est pas liée à un produit actuel ou futur ».

Alors si le coiffeur est l’homme à abattre par les robots, en quoi doit-il nous inspirer ?

Il est habile ? Il a du goût ? Il en change souvent ? Il peut être futile ? Il est bavard ? Il est exubérant ? Il connaît tout de vous mais en vous l’ayant demandé ? Il prend soin de vous ?

Et si on avait besoin de coiffeurs et pas seulement de data-scientists pour inventer notre modèle et un new « New Digital Age » ?

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