Nous sommes tous de futurs vieux. Vous, moi, nous. Même si le processus de vieillissement commence le jour de notre naissance, on ne se fait jamais à l’idée ! L’actualité nous le rappelle tous les jours, notre société a du mal avec ses vieux. On devient d’abord invisible, puis légèrement irritant (car trop lent, au mauvais endroit au mauvais moment), puis carrément irregardable car trop marqué par la vie qui nous aura traversés. Autant de chantiers de réflexion passionnants à explorer pour imaginer une vi(ll)e et une fin de vie meilleure. Là encore, c’est notre rôle de designer.
Qui peut le plus, peut tout court
En calibrant tout le design des produits et services à l’attention de ces chers millenials, nous risquons parfois d’aller trop vite en besogne et d’oublier qu’avec les progrès de la science, l’avenir est aux… seniors. En 2050, presque 17% de la population mondiale aura plus de 65 ans. Or ces nouveaux seniors ont eux aussi des envies qui évoluent. Si certaines conditions physiques ou mentales liées à l’âge nécessitent des produits spécialisés, la majorité des seniors refusent de se voir stigmatisés au travers d’offres estampillées « spécial seniors ». Avec l’avènement de l’analyse des données et des solutions de personnalisation, c’est la fin du règne du « consommateur moyen » et l’ouverture à de nouvelles perspectives pour tous et chacun, et particulièrement pour ceux jusqu’alors les plus négligés : les seniors. Prenons l’exemple de Damart, aujourd’hui à la pointe de la fashion tech, qui réinvente le tissu intelligent pour tous via des designs modernes et des collaborations inattendues (du CHRU de Lille pour développer des sous-vêtements qui réduisent les douleurs liées à une mauvaise posture jusqu’au collectif Andrea Crews, maître dans l’art du streetwear et vendu chez feu Colette).
La smart city aime-t-elle nos vieux ?
Après la guerre des sexes, la tyrannie de l’âge ! Pourquoi les seniors bénéficient-ils d’une réduction dans les transports et pas les jeunes actifs aux revenus tout aussi modestes ? Je me suis bâti une conviction forte : les jeunes sont des vieux comme les autres. Alors à qui va profiter la smart city ? Plus les avancées technologiques progressent et plus les start-up et les services s’adressent à nos aînés. Au Japon, ce sont les seniors qui testent les voitures autonomes, que ce soit les robots-taxis mis en place pour les JO ou des minibus autonomes (le robot shuttle DeNa) qui s’aventurent dans des zones rurales isolées des centres urbains pour les rapprocher notamment des centres médicaux. Imaginer la mobilité pour tous, c’est réduire la fracture spatiale autant que la fracture sociale. Et selon le AgeLab du MIT, les seniors vont devenir des « éclaireurs » de ces nouvelles technologies, premiers utilisateurs devant les millennials !
Manger chez Mamie, apprendre la guitare avec Papy
Les opportunités d’échange entre jeunes et vieux se multiplient, et c’est souvent sur la toile que cela se passe. Deux initiatives testées et approuvées par les jeunes de mon équipe. La première : Paupiette. Cette (jeune) plateforme connecte étudiants au budget serré et grands-mères aux talents culinaires qui veulent rompre avec l’isolement ou simplement faire de nouvelles rencontres. Avec 5 euros en poche, notre jeune Alice a partagé un parmentier de canard chez Lucie. Le meilleur rapport qualité/prix/rires/partage du quartier ! La seconde : les Talents d’Alphonse. La promesse est claire : « rencontrez un retraité passionné près de chez vous, et apprenez le savoir-faire de votre choix, pour 15 euros par heure ». Le savoir ne part pas à la retraite. À chaque fois, c’est du win-win, et ce n’est jamais stigmatisant. Ce qui est enthousiasmant ici, c’est que chacun retrouve une place utile dans la société. Attention cependant à ne pas tomber dans l’injonction du bien-vieillir-ensemble ! Un jeune solitaire a le droit de devenir un vieux solitaire. Ce qu’il faut retenir, c’est la liberté de pouvoir faire ; la liberté de faire, de faire faire (vive les conciergeries de quartier) ou de faire ensemble. Arrêtons donc de pousser Mémé dans les orties, l’avenir c’est nos ainés.