Les conséquences, directes et indirectes, du tsunami digital n’en finissent plus de se faire sentir. Toutes les vérités, confortables, sur lesquelles vivaient depuis des décennies les directions marketing et communication des entreprises s’effritent inexorablement les unes après les autres. Pour certaines, il s’agit d’un effondrement brutal. Il en est ainsi de ce que l’on appelait, avec distance, voire parfois avec un certain dédain, la distribution.
Certaines marques semblent découvrir que leurs consommateurs établissent un lien global entre les différentes prises de parole qu’on lui adresse tout au long du parcours qui doit le conduire à l’achat. Et qu’ils attendent a minima que ce lien soit cohérent. Cette cohérence est pourtant la résultante d’une somme complexe d’éléments hétérogènes : expérience d’usage des produits, image véhiculée par la publicité, bouche-à-oreille et avis d’autres clients sur les réseaux sociaux, attitude d’un service après-vente ou d’un conseiller en centre d’appel, attentions particulières, ambiance du point de vente…
Ainsi, l’univers onirique développé à partir de la fameuse « promesse de marque » et largement partagé à travers des investissements conséquents dans les grands médias se trouve parfois brutalement réduit à néant par une expérience « point de vente » extrêmement « décalée » pour ne pas dire désastreuse. Qui n'a jamais considéré que les concessions automobiles, les rayons hygiène-beauté de la grande distribution ou encore les agences bancaires, pour ne citer que quelques exemples quotidiens, cassaient la belle histoire que les marques tentaient de raconter à leurs clients ?
Chacun peut constater quotidiennement les failles du système. Plateformes téléphoniques, sites internet, applications mobiles, prises de parole sur les réseaux sociaux… L’incohérence, voire la schizophrénie, règnent encore trop souvent en maîtres.
Le diable est dans les détails
Pourtant, ce sont justement ces incohérences, ces failles, qui créent de l’insatisfaction, de la déception, et distendent les liens que la marque a noués avec son consommateur. Un service client défaillant, parfois un simple manque d’information ou une expérience en point de vente décevante, et ce sont tous les efforts faits pour conquérir un nouveau client qui partent en fumée en quelques minutes. Ne dit-on pas que le diable est dans les détails ? Ce sont toujours les petits détails qui comptent le plus et qui trahissent, surtout s'ils ne sont pas bien traités.
Les lieux, ces points de contact majeurs, doivent de toute urgence passer du statut de lieux de vente à celui de lieux d’expérience dans lesquels la promesse de marque s’incarne pleinement. Ils doivent accessoirement permettre avec fluidité de transformer l’achat, sur place ou via l’outil digital le plus adapté. Protégées par leur histoire et leurs publics plus restreints, seules les marques de luxe échappent encore largement à cette situation. Certaines marques grand public déroulent des territoires intéressants, comme Apple qui propose dans ses stores une expérience particulièrement cohérente avec sa promesse. Ou Samsung qui, dans ses nouveaux concepts, invite avec talent ses clients à « créer le futur », tandis que Kiehl's développe dans le monde entier un univers très codé qui n’appartient qu’à lui.
La gestion radicale de la cohérence de l’expérience client est probablement un des enjeux majeurs des prochaines années, avec toute la difficulté que pose sa mesure en termes d’indicateurs. Toute source de rupture d’expérience client est un irritant, voire un risque. Une marque très prometteuse et qui déçoit sera jugée plus sévèrement qu’une marque qui promet peu. Ce qui compte est moins d’offrir une expérience inoubliable qu’une expérience cohérente entre ce que la marque dit et ce qu’elle fait.