Tribune
Tout le monde ne souhaite pas ou ne peut pas prendre des responsabilités managériales. Pourtant, à trop valoriser la promotion verticale, les entreprises risquent de créer un climat défavorable au travail, voire même éloigner les clients.

80 % des Français ne souhaitent pas devenir manager, selon une étude menée par Audencia Business School. Ce chiffre s’inscrit dans un contexte où pourtant la majorité des évolutions au sein des entreprises se font par le management. Quant aux 20% restants, combien ont réellement les compétences requises? Cette dissonance entre la réalité et une vision idéalisée de la carrière a une conséquence directe: des managers qui s’adaptent mal à leurs nouvelles fonctions et des équipes qui peinent à trouver leur dynamique. Ce type d’évolution est pourtant presque devenu automatique. Et si cette course effrénée au management était une erreur?

Aujourd’hui, dans un contexte où les nouvelles générations veulent évoluer très rapidement, de nombreuses entreprises misent sur une politique interne forte pour promouvoir leurs salariés et leur offrir de nouvelles perspectives. Malgré une appétence assumée pour une évolution de leur condition, les millennials, les Y et les autres se révèlent plus frileux que friands quand le management rentre dans l’équation. Depuis quelques années, les études se multiplient et le verdict est sans appel: la gestion d’équipe ne fait plus rêver les 20-34 ans, pointe une étude menée par Reputation Leaders.

Pourtant, au sein des entreprises, le management fait souvent partie des propositions d’évolution. S’y refuser revient à se tirer une balle dans le pied. Bon nombre d’employeurs perçoivent une réponse négative comme un défaut de motivation ou comme un désaveu vis-à-vis de l’entreprise, sans vraiment réfléchir aux raisons qui poussent un employé à dire non malgré l’attrait d’un salaire revu à la hausse.

D’autres types d’évolution

Outre de nouvelles responsabilités, les employeurs ne cherchent pas vraiment à développer d’autres types d’évolution que la verticalité. Trop souvent, le savoir-faire prime sur le savoir être, alors qu’un certain degré de maturité – professionnelle et humaine – est primordial pour devenir un bon manager. Il appartient alors aux employeurs de savoir cerner les dispositions qu’ont leurs salariés à évoluer vers des postes de manager… ou pas. Car manager n’est pas une fin en soi, et ce qui peut sembler être un défaut pour un poste peut se transformer en qualité pour un autre poste.

Les salariés qui ne veulent pas voir leur carrière évoluer vers des postes de management craignent le stress, la lourdeur des tâches administratives et la difficulté de s’adapter à une nouvelle dynamique d’équipe. Par ailleurs, les salariés se montrent plus que critiques envers leur supérieur: 50% estiment que celui-ci ne sait pas motiver ses équipes et 44% ne le jugent ni créatifs, ni visionnaires – trois qualités pourtant citées comme indispensables pour un profil de «bon chef».

Si le pari peut s’avérer gagnant, il ne l’est pas dans la majorité des cas: 65% à 75% des managers seraient ainsi incompétents et feraient perdre plusieurs milliards d’euros de chiffre d’affaires aux entreprises chaque année, selon une étude de l'institut Hogan Assessments, spécialisé dans l’analyse de l’impact de la personnalité en entreprise. Les conséquences n’ont rien d’anodin: un mauvais manager est à son entreprise ce que l’iceberg est au Titanic. Ainsi, le manque de compétences managériales peut aller jusqu’à malmener les équipes, susciter des départs, générer une forte crise de la politique salariale, mais également créer un climat défavorable au travail et éloigner les clients.

Compétences nécessaires

Les entreprises doivent intégrer le fait que tout le monde ne veut – et ne peut – pas devenir manager. En effet, si la motivation pour ce type d’évolution est primordiale, avoir les compétences nécessaires à ce nouveau rôle l’est tout autant. Des aptitudes comme la pédagogie, la patience ou l’écoute ne sont pas l’apanage de tous. Attention cependant: le management ne doit pas être réduit à ces seules soft skills. Aujourd’hui, nombreuses sont les entreprises qui considèrent encore que les formations en management sont une perte d’argent. Ce n’est pas le cas. Le rôle de manager est primordial au sein de l’entreprise, car s’il doit gérer son équipe, son équipe doit également pouvoir s’appuyer sur lui pour construire sa carrière. Et, pour cela, être sympa ne suffit pas.

Les jeunes salariés ont bien compris que manager n’est pas une fin en soi: la plupart n’aspire pas à cela. Les entreprises, en revanche, ont encore du chemin à faire pour, d’une part, dé-systémiser la promotion verticale et, d’autre part, s’ouvrir à d’autres formes d’évolutions, comme changer le quotidien, favoriser la spécialisation, miser sur la formation ou construire des ponts d’un métier à l’autre. Les possibilités sont multiples. Mais pour les voir, encore faut-il ouvrir les yeux.

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