Tribune
Trop concentrées sur la recherche ? Craintives d'une réglementation restrictive ? Les entreprises du secteur de la santé sont devenues distantes et leur communication, désengagée, sans lien avec leurs patients.

Avant d’être des patients, nous sommes des individus complexes, partagés entre le rationnel et l’émotionnel. Être réduits à une donnée démographique ou une pathologie éloigne la médecine de chacun d’entre nous. Laissés dans l’inconnu, nous nous tournons vers Internet : la « cybercondrie » fait partie de notre réalité. Rien d'étonnant à ce qu’une recherche Google sur 20 concerne les soins de santé. Devenus autonomes et exigeants dans la gestion de notre santé, nous questionnons le conseil du médecin, voire nous nous méfions de l’industrie (69 % des Français la jugent opaque, selon une étude Ipsos pour le Leem, qui représente les entreprises du médicament) et préférons suivre l’avis de nos pairs. Émerge alors une nouvelle catégorie de patients dits « experts », qui deviennent des ressources auprès d’autres malades, eux-mêmes de plus en plus avertis. Nous sommes aujourd’hui tous à la recherche d’un bien-être général (physique, mental, voire spirituel), et devenons adeptes des trackers et autres dispositifs connectés (implants, capteurs...). Notre motivation est simple : rester à l’écoute de notre corps et gérer de manière proactive et préventive notre santé. Le quantified self est la nouvelle norme.

Recherche clinique et data

Dans ce contexte, et pendant que l’industrie se réinvente, les Gafa bouleversent le secteur plaçant les individus au cœur de leur approche. La promesse du Project Baseline de Google ou du ResearchKit d’Apple est bien de révolutionner la recherche clinique et la santé de l’humanité grâce à nos données (cliniques, environnementales, comportementales...). L’autre territoire qu’ils explorent consiste à capitaliser sur la voix et proposer de nouvelles façons d’interagir. Alexa d’Amazon, par exemple, incarne ce nouveau paradigme. Chez WPP, nous parions qu'à la fin de cette année, 30 % de toutes les interactions se feront par la voix. Il est donc essentiel pour l’industrie d’explorer ces nouveaux territoires pour gagner en proximité avec ses patients.

Climat de méfiance

Les scandales récents ont mis à mal la relation industrie-médecin-patient, renforçant le climat de méfiance. Il semble désormais vital que l’industrie (institutions, laboratoires et marques du secteur santé et bien-être) rattrape son retard et développe des stratégies de communication plus efficaces s’appuyant sur de nouveaux leviers. « Proposer des outils connectés ou programmes divers n’est pas une réponse suffisante, si ces initiatives ne sont pas guidées par une connaissance profonde de l’individu, de ses motivations et de ses points de blocage (acceptation d’une maladie, manque d’observance...) » alerte Bérengère Roche, experte Health & Wellness chez Ogilvy Paris. Une communication efficace doit passer par les sciences comportementales pour décrypter les leviers psychologiques qui influencent les facteurs du succès thérapeutique.

L’intégration d’experts, en sciences comportementales, psychologie, technologie et marketing, est donc clé dans le processus stratégique et créatif pour interpeller, motiver et intégrer les patients dans une véritable expérience de soin. Nestlé WW l’a compris et s’est entourée d’experts, dont Ogilvy Change, pour leur initiative United for Healthier Kids, qui vise à faire évoluer les comportements alimentaires des enfants souffrant d’obésité dans des pays sensibles à cette problématique de santé, tels que les Philippines ou le Mexique. Ma conviction, c’est que l’industrie doit oser faire bouger les lignes et que le temps presse. Il faut aller au-delà des moyens et des espaces de communication traditionnels. L’heure est venue d’être plus stratégique, créatif et innovant pour mieux soigner et enfin créer ce lien avec les patients.

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