Air France, Amazon, Club Med, L’Oréal, Netflix, Unilever, La Redoute… Pure players ou marques traditionnelles, on ne compte plus les annonceurs engagés dans des projets d’internalisation de leurs achats publicitaires. Selon une récente étude de la World Federation of Advertisers (WFA), 21 % de ses membres achètent déjà du programmatique en interne ou via un modèle hybride, et 16 % en ont l’intention. La tendance est éprouvée et semble durable au vu des premiers bilans souvent positifs ; l’internalisation présente, il est vrai, de nombreux avantages pour l’annonceur.
Le premier bénéfice est un gain considérable en transparence. En effet, le digital a considérablement complexifié les processus d’achat de publicité. Les agences média ne sont plus simplement en charge des relations avec les régies publicitaires, mais gèrent tout un écosystème d’outils technologiques, fournisseurs de données et intermédiaires au rôle plus ou moins opaque. En reprenant le contrôle des opérations publicitaires, les annonceurs gagnent donc en transparence et en maîtrise des coûts.
Un ROI en hausse
L’internalisation permet aussi aux annonceurs de tirer le plein profit de leur connaissance client - la fameuse data - et d’améliorer drastiquement la pertinence et la performance des campagnes publicitaires. Cela se traduit également par une meilleure collaboration du média avec les autres fonctions marketing (CRM, ecommerce, retail…). Enfin, la montée en compétence des équipes permet souvent de piloter plus efficacement les campagnes publicitaires.
In fine, la promesse de l’internalisation est que tous ces bénéfices se traduisent par une élévation du retour sur investissement du média: Air France et Club Med estiment ainsi avoir économisé 20% en coûts média suite à l'internalisation.
Reste que de tels bienfaits ne s’obtiennent pas sans effort. Le premier et principal défi est certainement de définir le mode d’internalisation et l’organisation les plus adaptés à ses moyens et à ses objectifs. Opération des campagnes, gestion des outils, mesure de la performance, stratégie média et data… : internaliser ne signifie pas nécessairement se charger de tout, et beaucoup d’entreprises optent pour un modèle hybride dans lequel elles n’assurent elles-mêmes que ce qu’elles jugent prioritaire. À chacun de trouver la bonne formule et le bon rythme de transition, en se faisant accompagner par les bons prestataires.
Enjeux humains
Il faut notamment adapter son projet d’internalisation aux montants investis dans chacun des canaux publicitaires digitaux: moteurs de recherches, programmatique, social... Une autre clé de la réussite est de ne pas négliger les enjeux humains car il va falloir intégrer et fidéliser de nouveaux talents, qui sont des ressources rares et convoitées sur le marché du travail. Enfin, le rôle de conseil et d’expertise des agences garde de la valeur pour les annonceurs, quand bien même ils feraient le choix d’internaliser tout ou partie de leur achat média. L’urgence aujourd’hui pour les annonceurs est donc de redéfinir leur relation avec les agences.
Au moment d’aborder ce virage, les agences média pâtissent d’un certain nombre de handicaps liés à leur modèle historique. Ainsi, leur modèle tarifaire au pourcentage du budget média investi apparaît dépassé alors que le programmatique automatise largement leur savoir-faire de négociateur d’espaces publicitaires. Dans leurs prestations, les agences dissocient aussi trop peu la gestion des achats d’espace, le pilotage de la stratégie média et de la performance, et les outils. Ceci conduit à un manque de transparence récemment dénoncé aux États-Unis par l’Association of National Advertisers (ANA).
Enfin, en contrôlant les outils d’adserving, les agences sont contractuellement propriétaires des données associées, une situation de dépendance de moins en moins tolérée par les annonceurs pour lesquels ces données constituent un actif stratégique.
Vers un métier de conseil et d’accompagnement
Cela signifie-t-il pour autant que les agences sont vouées à disparaître? Pas nécessairement. Comme bien d’autres activités à l’ère digitale, celles-ci doivent impérativement opérer la fameuse «transformation digitale» et se réinventer en évoluant vers un métier de conseil et d’accompagnement. Un tel cheminement implique des modifications profondes sur leur culture, leur mode de fonctionnement et de rémunération, pour aller vers davantage de transparence, d’expertise et de confiance.
Une chose est sûre: cette réinvention du métier d’agence média apparaît aujourd’hui comme une absolue nécessité, faute de quoi elles devront laisser la place à de nouveaux concurrents: les grands cabinets de conseil ou de nouveaux entrants.