Et si Airbnb contribuait à faire revivre les petites villes, délaissées par les vacanciers et les collectivités locales ?
La presse a beaucoup parlé de l’implantation d’Airbnb dans les grandes villes. Dans une métropole comme Paris, il y a aujourd’hui 40 000 logements référencés pour 80 000 chambres d’hôtels. On comprend mieux la fronde des hôteliers de la capitale qui dénoncent la forme d’immunité dont bénéficie la start-up californienne.
Dans la foulée, les rumeurs ont fleuri, les « bad trips » ont été copieusement relayés. Ici, un propriétaire a été dévalisé. Là, un autre a constaté que son logement avait servi à une orgie sexuelle. Des histoires qui ont alimenté la crainte de ceux qui ont songé à mettre leur logement à la disposition des voyageurs via la plateforme.
J’ai pris un Airbnb à Londres, dans une zone en pleine réhabilitation, à quelques encablures du célèbre quartier de Shoreditch. Dans cet immeuble rénové, les autocollants « Stop Airbnb » tapissaient les boîtes aux lettres. Curieux, j’ai interrogé une voisine, une locataire qui vit ici toute l’année. Son jugement était sans appel : « Les logements Airbnb sont trop nombreux. Ils sont un frein à la vie communautaire. On ne connaît pas les gens, on a pas le temps de socialiser, et souvent, ils sont peu respectueux ».
Et puis voilà que je reprends un Airbnb. Cette fois dans les Pouilles, à Nardò, une petite ville du Salento à une dizaine de kilomètres de Gallipoli. Nardò, malgré son petit bijou de centre historique qui n’est pas sans rappeler les merveilles de Lecce, a le profil de la petite ville qui se meurt : trop loin de la mer, ne disposant pas d’une taille critique suffisante, entourée par des champs d’Oliviers malades (voir l’engagement d’Helen Mirren) et de pastèques où se tuent à la tâche des migrants venus d’Afrique. Le genre de bourgades qui ne ressuscitent que trois mois de vacances par an, et qui se désespère de voir ses jeunes fuir au nord du pays.
J’avais choisi mon Airbnb dans une maison traditionnelle rénovée de Nardò, à deux pas du corso et de la place principale. Pratique, beau, un charme fou et un propriétaire d’une disponibilité qui honore le concept développé par Brian Chesky et Joe Gebbia.
Le premier soir, installé sur le toit qui domine la ville avec un verre de Polvanera et un morceau de pizza al taglio (fleurs de courgettes – anchois – mozzarella), je constate que sur la terrasse de la maison d’en face, il y a une dizaine de petits vieux qui papotent. Le phénomène se répétera tous les soirs.
Je prends mon italien à deux mains et je vais discuter avec la voisine. Que me dit-elle ? Que beaucoup de maisons de Nardò, autrefois à l’abandon, ont été rachetées pour être rénovées et louées en Airbnb. Qu’elle aime bien, parce qu’assez régulièrement des gens nouveaux habitent en face de chez elle et qu’il n’y a rien de mieux pour alimenter les conversations. Qu’elle a l’impression que la ville renaît de ses murs lézardés grâce à cette nouvelle forme de tourisme.
De retour à Rome, je vais au restaurant, dans le quartier de ma belle-sœur, très, très loin du centre-ville. Le genre de restaurant où on ne s’attend qu’à voir des gens du coin. La carte est aussi en anglais. J’interroge le propriétaire. Il m’explique qu’avec le développement d’Airbnb, de plus en plus de touristes ont débarqué dans son quartier, plutôt excentré. Résultat ? Il a accès à une clientèle qui semblait autrefois promise aux établissements situés dans le cœur de la capitale.
On parle beaucoup de l’impact négatif d’Airbnb sur l’industrie hôtelière. Il faudrait étudier l’impact positif d’Airbnb sur la régénération du tissu urbain.
Mon point de vue est subjectif et repose sur une expérience personnelle. Il serait intéressant de retourner à Nardò dans dix ans, quand une génération s’en est allée et qu’il n’y aura plus de vielles maisons traditionnelles à rénover. Airbnb aura-t-elle revitalisé la ville ?