Design World

«Oui, nous sommes tous nés chercheurs.» Ces mots de François Taddei résonnent encore dans ma tête depuis notre dernière rencontre. Le biologiste et cofondateur du Centre de recherches interdisciplinaires milite pour l’intelligence collective et une planète apprenante. Et le design dans tout ça, peut-il être apprenant?
Collaborer ou mourir? Le codesign est devenu une injonction pour innover car chercher ensemble, expérimenter ensemble, s’enrichir mutuellement, c’est aller plus vite et plus loin. Encore faut-il dépasser l’effet de mode, bannir le «collaboratif cosmétique» et assumer le changement de paradigme: tous contributeurs au même niveau, sans distinction hiérarchique, sans présumer de ce que l’on cherche. Une sorte d’agilité collective qui repose sur la confiance en chacun pour pouvoir se laisser surprendre par l’imprédictible qui va connecter l’innovation aux usages et changer la vie des gens. Autant dire une révolution dans beaucoup d’organisations qui fonctionnent encore en silo.

Espaces «open source»

La transversalité et la posture d’égalité: c'est essentiel pour attirer les talents. À la Manufacture Design où est intégrée l’école Design Act !, première école en agence qui coache «in situ» des étudiants porteurs de projets pour un territoire, nous sommes collectivement poussés en dehors de notre zone de confort. Car c’est important de garder les pieds sur terre, tout en avançant aussi vite que le monde se transforme. Comme au bureau: à l’heure où tous les collaborateurs sont mobiles et équipés de technologies, le siège social change de fonction et devient une plateforme de ralliement, un lieu collectif de capitalisation de la connaissance. Le design contribue donc à répondre à ces questions fondamentales car il permet de rendre «l’immobilier mobile», de faire circuler les gens pour faire circuler les idées, mais surtout de constituer un «territoire d’équipe»  dans des espaces forcément réversibles et «mouvants». Des initiatives font bouger les lignes comme les bureaux de la fondation Mozilla au Japon, Mozilla Factory Space, qui a conçu ses espaces en mode «open source»: les plans sont téléchargeables, les matériaux accessibles par tous, pour que chacun puisse (ré)inventer par lui-même les usages au bureau. Et le design s’en est emparé pour (re)créer du plaisir, de la découverte, de l’envie.
C’est l’ère du test and learn. Non seulement c’est le consommateur qui est le patron, mais les marques ont compris qu’il fallait bâtir une relation plus intime avec leurs consommateurs et qu’elles ne pouvaient se contenter de se mettre dans «leurs yeux» pour penser les produits. Dans le dernier magasin «laboratoire» Boulanger, les clients sont invités à tester les produits : du blender à la centrale vapeur… ils peuvent même y laver leur linge !
En ville aussi, le design réinvente le comportement citoyen: mixité d’usages, lieux récréatifs, inclusifs, librement hackés … L’éphémère produit des points d’échange, des modèles presque utopiques qui ne verraient pas le jour s’ils étaient pensés pour durer. Ce design transitoire transforme la ville petit à petit. Pour preuve, le succès des Grands Voisins, ou de la culture en ville avec les événements Un Été au Havre ou Un Voyage à Nantes (manifestation estivale éphémère qui vient de célébrer son dixième anniversaire !).

Prise de pouvoir citoyenne

Tous acteurs du bien commun. Le design donne un goût de liberté en rassemblant les habitants dans le Faire. L’action «hacking citoyen» de Wikiblock propose une bibliothèque de design open source (du mobilier sans colle ni clous à monter à partir de planches en contre-plaqué) pour créer son propre mobilier de quartier et s’approprier l’espace public en imaginant de nouveaux usages sur place. Les citoyens reprennent en main la conception de leur espace collectif et sont parties prenantes dans l’élaboration d’un quartier de vi(ll)e. C’est une ode au «libre ensemble» pour reprendre l’expression du sociologue François de Singly.
Cultiver l’initiative et la curiosité. Revenons aux fondamentaux, suscitons les vocations dès l’enfance, en donnant les bons outils à la prochaine génération, celle des «change makers». A l’école Vittra Telefonplan en Suède, les usages collaboratifs vont bien plus loin que ceux théâtralisés dans les bureaux de Google ou Facebook. Encourageons l’audace et surtout arrêtons de demander la permission de faire autrement car, comme le rappelle Serge Soudoplatoff, fin praticien de la Silicon Valley, «toute innovation est désobéissance» !

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