Brand world
Et si la création s’accomplissait hors cadre ? Pas dans ce que l’on a photographié, filmé, figé dans les cadres de nos souvenirs ou publié sur nos réseaux mais dans les impressions fugitives et les émotions de la « vraie » vie ?

Révolution numérique, nouveaux usages, concurrence internationale exacerbée… nous faisons face à une nécessité impérieuse de trouver aujourd’hui des moyens de faire autrement pour bien préparer demain.

Dans ce monde hyper-compressé, hyper-connecté et hyper-normé, le designer décadre. En prise directe avec la réalité, tous ses sens restent en éveil : il voit, il écoute, il sent, il touche, il teste. Attentif au parcours du quotidien, de la maison à l’école ou au bureau, en passant par les mobilités et les loisirs et la rue du commerce, il s’imprègne du monde d’aujourd’hui, pour imaginer celui de demain en osant s’affranchir des limites du cadre. Tout au long de ce chemin le designer n’est pas seul : il échange, écoute et rebondit avec les disciplines connexes. Le designer, qui parvient à créer du nouveau sans relâche dans un monde où tout peut parfois sembler avoir été déjà inventé, nous inspire par sa méthode.

Toutefois si un ancrage fort dans le réel, pour capter la richesse des signaux faibles, aiguise la créativité, le digital ne saurait nullement s’opposer au franchissement dudit cadre. Bien au contraire ! Les possibilités démultipliées par l’accès illimité que permet la technologie viennent bousculer les modèles historiques (pensez hôtellerie, transports : l’application AccorLocal crée des nouveaux usages pour les hôtels en offrant des services de proximité pour les voisins du quartier et non plus seulement les touristes). Les consommateurs récompensent généreusement la disruption, qui fait passer une idée du statut de bonne à remarquable, le succès fulgurant d’Airbnb en est la preuve.

 

Cadre libératoire

Mais comme tout est souvent question d’équilibre, le potentiel du « hors cadre » est décuplé lorsqu’on choisit de s’imposer le fameux « cadre ». Oui, la contrainte est aussi un terreau fertile pour la créativité, l’innovation et le design. On parle même de « contrainte libératoire » !

Il y a tout d’abord la contrainte temps : la créativité aime les temps courts. Ensuite, la contrainte de forme - « parce que la forme est contraignante, l’idée jaillit plus intense ! » disait Baudelaire. Et bien sûr la contrainte matérielle ou quantitative. Picasso disait « on peut peindre avec deux couleurs, dessiner avec une. Trois, quatre au plus, ont pendant des siècles suffi aux hommes ». Voire la contrainte physique : se mettre en déséquilibre corporel nous stimule et nous fait aller plus vite. Le cadre qu’on s’impose nous empêche de céder aux sirènes de la facilité ou de se cacher derrière une fausse complexité. La contrainte peut alors devenir le début du processus de créativité et non plus une chose à éradiquer. C’est ainsi qu’elle a fait d’Ikea le plus grand designer du monde ! Produire une chaise confortable, ergonomique, facile à ranger, et de surcroît jolie, et la vendre au prix raisonnable de 29 euros, est la meilleure preuve que l’ingéniosité de ce design démocratique parvient à donner envie au plus grand nombre !

Le « cadre » a l’avantage de mettre à disposition les outils et les méthodes nécessaires à la réalisation de son projet, de rassembler, de coconstruire avec des experts et des talents qui vont se conjuguer pour porter l’aboutissement plus loin. Le cadre a de nombreuses vertus, il suffit de le consommer avec modération et de garder l’audace de s’en affranchir.

 

Osons faire confiance et se laisser surprendre

Finalement, pour créer il faut chercher un cadre qui décadre ! Une surface rebondissante pour « énergiser » les idées, les « ping-ponger » avec des profils inattendus, « hors cadre », comme un miroir qui renvoie des perspectives nouvelles, amplifiées, accélérées, enrichies, fusionnées (en témoigne l’émergence de salles de créativité dans les entreprises). Une idée ne se transformera jamais en acte, ne pourra pas s’incarner si elle reste la propriété d’un seul : l’appropriation, la transformation par les autres sont des gages de succès, tout autant qu’il faut faire confiance au groupe, « trust the process » est une règle d’or en design thinking. Osons lancer une idée en l’air et attendre que quelqu’un la rattrape, la transforme et la relance, allons à la rencontre des gens, des émotions, des sites, des idées qui nous entourent et laissons-nous surprendre par ce que l’on pourrait trouver de l’autre côté de ce cadre. Frissons garantis !

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