Défini pour la première fois en 2003 par Henry Jenkins dans un article de la Technology Review, le transmédia désigne le développement d’un univers narratif sur différents supports médiatiques. Que ce soit dans un livre, un film, un jeu vidéo, une application mobile, une affiche ou même en réalité virtuelle, les différents contenus indépendants se répondent et forment un tout, à l’instar des pièces d’un puzzle.
Des marques encore frileuses
Il ne faut cependant pas confondre le transmédia avec ses voisins, comme le plurimédia ou le cross-média, qui diffusent un seul et même type de contenu ou message à travers différents supports. Ils sont davantage axés sur la visibilité et la promotion d’un produit ou d’une marque tandis que le transmédia va plus loin et cherche plutôt à enrichir son univers.
Si le transmédia promet une expérience enrichissante pour le consommateur, la plupart des marques sont encore assez frileuses quant à ce mode d’expression. Il existe toutefois des secteurs innovants dans ce territoire:
L’industrie du cinéma. Dès le début avec Lucas Film, des franchises comme Star Wars et Indiana Jones ont commencé à explorer les techniques du transmédia. Aujourd’hui, on ne compte plus les produits dérivés de la saga Star Wars, mais les premiers livres et jeux vidéos sortis sur le thème ont poussé les murs de la première trilogie. En dévoilant des intrigues basées sur des personnages secondaires, ils ont enrichi l’univers narratif de la saga. Autre trilogie marquante, la saga Matrix a inspiré la création de plusieurs courts-métrages en guise de spin-off pour dévoiler d’avantage son microcosme (The Animatrix).
L’industrie du jeu vidéo. Avec les contraintes techniques d’origine, peu de place était accordée aux scénarios des premiers jeux vidéos. Pour ceux qui demandaient une trame scénaristique, un livret était toujours fourni avec la cartouche du jeu acheté. Si l’expérience du jeu pouvait se faire de manière indépendante, le joueur ayant lu auparavant le petit livret était alors à même de comprendre l’univers dans lequel évoluait son personnage et d’interagir plus efficacement avec. Depuis, de nombreux jeux vidéos ont été accompagnés de courts-métrages animés expliquant des éléments de l’intrigue non explorés dans le jeu d’origine (Assassin’s Creed, Dead Space, etc.).
Sur le même modèle, on retrouve également des univers déclinés sous forme de bande dessinée, d’applications mobiles et même de longs-métrages. L’importance du transmédia dans cette industrie est devenue telle que des sociétés comme Ubisoft consacrent des équipes à ce sujet (exemple: Ubiworkshop).
L’industrie des séries télévisées. De nombreuses séries comme Lost, Game of Thrones, Doctor Who ou encore Parks and Recreations ont su utiliser un storytelling transmédia à leur avantage. Cette dernière série, par exemple, est un «mockumentary» (faux documentaire à tendance humoristique) sur la vie administrative de la ville de Pawnee. Pour enrichir son univers, un site web institutionnel crédible a été conçu sur la base des éléments seulement évoqués dans la série. Lors d’un épisode où ont lieu les élections du nouveau maire, le personnage principal et candidat s’adresse à ses fans sur sa page Facebook réelle et les invite à voter pour lui. L’engagement des fans pour la série est alors considérable et la barrière entre réel et fiction de plus en plus floue.
L’industrie du luxe. Le luxe ayant pour vocation de faire rêver, il est naturel que certaines marques de ce secteur se soient penchées sur les méthodes de storytelling transmédia, y voyant un bon moyen d’enrichir leur identité de marque. Ainsi, des maisons comme Hermès, Chanel ou Cartier ont créé de nombreux courts et longs-métrages autour de leurs savoir-faire. La web-série «Inside Chanel», qui raconte en une dizaine de chapitres et de façon animée l’histoire de la maison Chanel, est un bon exemple de storytelling transmédia.
Plus que des outils, des histoires
A l’heure où les différents médias convergent et deviennent de plus en plus hybrides (livres augmentés, films interactifs…), le transmédia offre un panel de possibilités extrêmement riche, tant pour les marques que pour leur audience. En plus de remettre en cause les techniques narratives, éditoriales mais aussi économiques pour le secteur du divertissement, l’expérience transmédia transforme la vision que l’on a de ces supports (sites web, livres, vidéos, etc.). Ceux-ci ne sont plus de simples outils, mais des histoires à part entière, prolongeant l’expérience de la marque et de l’utilisateur.