À l’aube de la décennie en cours, Instagram et Snapchat font leur apparition, respectivement en octobre 2010 et en septembre 2011. Initialement, il semble exister une complémentarité entre les deux plateformes, attendu qu’elles adoptent des approches distinctes leur permettant de fédérer des audiences différentes. Instagram mise sur du contenu esthétique, de qualité, grâce auquel la marque a su attirer une communauté de passionnés, Snapchat opte pour une démarche inédite reposant sur la possibilité de partager du contenu éphémère, fédérant ainsi rapidement une solide communauté de millennials.
Dans le cadre d’une stratégie visant à renforcer sa présence sur mobile, Facebook montre rapidement un vif intérêt pour les deux réseaux sociaux. C’est ainsi que le géant américain rachète Instagram en 2012 pour 1 milliard de dollars et tente de réaliser une opération similaire avec Snapchat en 2013. Le réseau social de vidéo éphémère refuse de rejoindre Facebook malgré une offre de 3 milliards de dollars. Cet événement déclenchera une guerre sans merci entre les deux réseaux sociaux. Et pour cause: Facebook réalise que Snapchat cannibalise une part importante de l’audience millennials, qui constitue une cible privilégiée pour les annonceurs.
Bataille «sans filtre»
Facebook se concentre sur l’évolution d’Instagram, qui poursuit sa forte croissance et porte un coup direct à Snapchat en copiant sa fonctionnalité Stories, qui permet de créer des collections de photos éphémères. Le lancement est d’ailleurs entièrement assumé par la société de Menlo Park. L’apparition de cette nouvelle fonctionnalité issue de Snapchat est accompagnée par une simplification de l’interface utilisateur, mais aussi par la mise en avant de la fonctionnalité de partage de vidéo en temps réel, baptisée Live, qui connaît déjà un essor important sur Facebook.
Le mécanisme des Stories est par la suite déployé sur l’ensemble de l’écosystème Facebook: Messenger, Facebook et Whats App. Snapchat est alors ôté de sa singularité. Pour enfoncer le clou, Instagram met en place des messages directs éphémères en avril dernier. Le lancement, la semaine passée par Instagram, de filtres en réalité augmentée, faisant suite à l’acquisition de MSQRD par Facebook en 2016, vient entraver à nouveau le développement de Snapchat.
Snapchat trébuche
Le réseau social aux contenus éphémères semble avoir perdu la bataille du produit. Concentré sur son entrée en Bourse, Snapchat occultait la réalité du marché et innovait moins. Au regard de ses éléments, Snapchat n’aurait-il pas mieux fait d’accepter l’offre de rachat de Facebook?
Pour le reste, l’entreprise n’a pas su saisir rapidement les opportunités que représentent la vidéo et le live. De surcroît, Snapchat n’a jamais mis en place des fonctionnalités qui permettent de répondre à une certaine attente de reconnaissance sociale, comme Instagram a su le faire avec le nombre d’abonnés, les likes et les commentaires. Snapchat limite en outre les utilisateurs à leur réseau de proches en ne permettant pas de faire des recherches élargies. Enfin, la marque n’a pas démontré sa volonté de mettre en place un écosystème de partenaires solide avec la mise en place d’une API qui aurait permis à des applications tierces de valoriser le réseau, notamment auprès d’une cible professionnelle. Par conséquent, le réseau social séduit une part importante des millennials, mais peu dans les autres catégories de population.
Quelles conséquences pour le marché?
Instagram enregistre des résultats extrêmement positifs et prévoit de franchir le seuil du milliard d’utilisateurs à l’horizon fin 2017. Le réseau social consacré à l’image parvient également à rattraper son retard auprès de la cible des post-millennials (14-18 ans), allant même jusqu’à devancer Snapchat auprès de certains segments d’audience. En perte de vitesse, Snapchat enregistre un ralentissement de sa croissance. Ce déficit en crédibilité et en visibilité se répercute sur le cours de l'action: la société a perdu un quart de sa valeur en Bourse après la publication de ses premiers résultats trimestriels.
Les professionnels du marketing tendent d’ailleurs à ne pas se montrer confiants envers Snapchat. Ils transfèrent leur budget et leurs efforts sur Instagram, qui semble beaucoup plus fiable et leur offre un panel de solutions d’analyse avancées, soit à travers ses propres outils, soit à travers son écosystème de partenaires.
Alors que l’avenir d’Instagram semble plus que radieux grâce à une pénétration et une adoption en forte croissance qui suscite l’intérêt des annonceurs, celui de Snapchat reste beaucoup plus vague. La société n’a pourtant pas dit son dernier mot: ses capacités d’innovation et d’investissement devraient lui permettre de revenir dans la course. C’est d’ailleurs ce qu’elle tente de faire en se lançant dans la réalité augmentée avec la commercialisation et le déploiement des lunettes connectées Snapchat Spectacles qui permettent de filmer et de partager en temps réel avec ses amis des vidéos à la première personne.