On a beaucoup parlé de révolution numérique ces 5 dernières années. 2017 sera-t-elle l’année du basculement généralisé ?
Antonin Torikian : Transport, hôtellerie, restauration, industrie culturelle, banque et assurance, immobilier et même aérospatial : un nouveau cycle technologique, économique et d’usages, porté par les start-up, s’est levé. Qu’on l’appelle « ubérisation », « disruption », ou encore « commoditisation » pour les stades les plus avancés, elle remet durement en cause les positions acquises par nombre d’acteurs historiques, oblige à aplanir les organisations, à numériser les cultures, à agiliser les équipes. Aujourd’hui, Google, Airbnb, Uber, Amazon et maintenant SpaceX, Tesla, Blue Origin rejoints par Alibaba ou Baidu ne sont plus des start-up mais plus aucune industrie n’échappe à la course effrénée qu’ils imposent.
Pour autant, les marques traditionnelles ont elles encore des marges de manœuvre ?
AT : Tout est encore possible, car nous pouvons encore regarder les choses comme elles sont, plutôt que comme nous les redoutons. Et c’est aussi un des acquis de la nouvelle économie. Dans presque tous les secteurs, ces new players talonnent les géants en allant plus vite et c’est logique vu leur taille, mais ne les devancent pas ! L’enjeu est donc simple et, dans une certaine mesure, banal, pour des organisations rompues à la compétition mondialisée : ne pas se laisser rattraper. Comme dans Bip Bip et Coyote, il faut apprendre à courir deux fois plus vite, et comprendre que l’horizon stratégique ne sera plus dégagé, que l’on n’aura sans doute plus jamais la possibilité de « voir venir ».
Et comment engager cette course dans un quotidien de travail sans s’épuiser ni se perdre ?
AT : D’abord, cette question doit être l’affaire de tous les managers et de tous les métiers. Comment, en tant qu’opérateur, manager, ou dirigeant, faire converger toutes les équipes ? Au fil des expériences accumulées nous sommes arrivés à la conclusion que, pour permettre aux équipes et aux organisations d’aller plus vite sans dénaturer leurs valeurs, il fallait mobiliser quatre outils pour réussir sa course d’orientation : une bonne technique, une bonne boussole, un tracé clair et de bons coéquipiers.
Une bonne technique ?
AT : Oui, en expérimentant les meilleures pratiques issues de la révolution numérique. SCRUM, Sprint, Design thinking, open innovation, prime au premier implanté : comment mieux comprendre les innombrables méthodes et principes des new players qu’en s’invitant chez eux, dans la Silicon Valley et dans les capitales mondiales de l’innovation ? Ensuite, la bonne boussole. On n’« embarque » véritablement une organisation que si l’objectif convainc, que s’il est partagé. En parallèle des actions de transformations, il faut donc également s’atteler à les raconter et à expliquer sans relâche les buts qu’elles poursuivent.
Est-ce toujours évident?
AT : Vous avez raison, le piège dans lequel peuvent tomber les organisations est celui de vouloir que leurs équipes adoptent de nouveaux comportements empreints de culture numérique tout en continuant à agir selon des mécanismes qui encouragent les anciennes pratiques. L’avènement de la nouvelle économie n’a rien à voir avec une énième mode managériale, elle n’a rien de cosmétique, elle transforme en profondeur les organisations. Conserver sa vitesse requiert également de la cohérence managériale, un tracé lisible. Exemple simple et maintes fois rencontré : vouloir promouvoir l’aptitude à la remise en cause et au feedback, mais continuer à valoriser exclusivement la performance individuelle.
Enfin, il est parfois utile d’avancer en cordée pour aller vite. Car cette course n’est pas une course en solitaire, c’est un effort coordonné. Les dirigeants en quête de nouveaux modèles le savent : le contact de pairs et le pouvoir des analogies dopent l’innovation. Au contact de digital migrants, ou d’entrepreneurs en résidence, des alliances d’entreprises peuvent gagner ensemble en maturité numérique. À défaut de pouvoir « voir venir » leurs compétiteurs, ils peuvent parvenir à les devancer, et continuer à défendre et bâtir une vision industrielle de la France et de l’Europe à l’ère numérique.
C’est pour répondre à ce nouveau défi, celui des alliances, que nous venons de créer le Club FABERNOVEL, que nous installons dans un mois au 23, rue Louis le Grand dans le quartier de l’Opéra.
FABERNOVEL est partenaire de la Stratégies digitale conférence qui se déroulera dans le cadre de la Stratégies digital week le mercredi 29 mars 2017 sur le thème "Connexions futur(es)".
Inscriptions : http://conferencestrategiesdigital.evenium.net
Programme et intervenants : http://www.strategies-digital-week.fr/
Contact : Julie Beytout - [email protected]