Je n’entretiendrai pas le suspense: je ne vous dirai jamais oui. Vous activez, cher Sébastien, une offre commerciale qui est l’exact opposé de ce pourquoi j’ai décidé un jour d’ouvrir une agence. Tout dans votre argumentaire me consterne.
Le brief reçu «en moins de 5 minutes» et donc matériellement administré selon le même timing en donne un premier éclairage. Les créatifs, figurez-vous, doués de raison, aiment, même pour des sujets modestes, comprendre ce pourquoi on les sollicite. Prétendre se satisfaire d’un coin d’une table ou d’un coup de clic, est insultant. Cela revient à considérer que leur contribution sera bien peu de chose. Les graphistes, les designers, les directeurs artistiques sont des interprètes. La compréhension des enjeux, les objectifs assignés à la demande, le contexte concurrentiel, la nature des résultats escomptés supposent qu’on y consacre du temps et de l’intelligence. Leurs travaux ont peu à voir avec la cosmétique ou le hasard. Ce sont des prestations intellectuelles nourries de contenus et d’insights, et qui nécessitent du temps d’exploration et de maturation.
Sans ces conditions, cher Sébastien, une réponse – une livraison écrivez-vous, comme on le dit d’un paquet - qui arrive en moins de 24 heures relève de la logistique ou des bandits manchots du casino. Comme chacun sait, il n’y a là que des perdants.
Plus navrant encore, vous proposez des prestations forfaitaires, instillant dans la tête de vos clients que toutes les réponses se valent; que la création est une science exacte, simple comme une règle de trois; que la vitesse d’exécution et le quantitatif priment alors que le véritable enjeu des contenus qui prolifèrent est celui de leur qualité; qu’une opération marketing qui jaillit en moins de 24 heures n’a, de fait, pas beaucoup de valeur.
Enfin, cher Sébastien, vous appelez sans rire vos clients à une révolution créative. Celle que vous menez est à 1789 ce que les peintres du dimanche sont à Picasso.
Si, il y a quelques années, je me suis lancé dans l’aventure d’une agence, c’est parce que j’ai la conviction que les talents complices qui s’y croisent sont féconds. Parce que j’ai du plaisir et de l’admiration pour tous ceux avec qui je travaille, forts de leurs expériences, des moments de doute et des réussites qui font le sel et l’émotion d’un corps social; parce que j’apprends toujours quelque chose de la genèse et du partage autour d’un projet collectif.
L’isolat qu’entretient votre entreprise est mortifère. Elle déclassifie peu à peu ceux qui s’y enferment et dramatise une situation que vous prétendez résoudre. Le crowdsourcing, vous l’avez compris, n’est pas ma tasse de thé. C’est au contraire un puissant vomitif. Sous les habits neufs de la modernité et de la coconstruction se cachent trop souvent un travail spéculatif, un combat de gladiateurs entre free-lances, du dumping et la paupérisation de tous les acteurs. Excepté la vôtre, naturellement, comme en témoignent les formidables trophées de vos performances économiques. Manifestement, l’ubérisation de la création vous rapporte beaucoup. Mais je suis certain qu’elle ne rapporte pas beaucoup à la création.
Me voilà donc, cher Sébastien, contraint de vous dire non, non et non. Très loin de votre public-cible, quelque chose m’incite à penser que votre base de données n’est pas très qualifiée. Je vous invite donc à vous tourner vers une structure professionnelle avec des vrais gens dedans. Vous y trouverez d’excellents experts pour vous accompagner à des tarifs tout à fait justifiés. Conseil d’ami, conseil gratuit.
Lire la réponse de Sébastien Fernandes, directeur du développement de Creads Partners