Certains économistes ont pris position, ces dernières années, pour soutenir que l’avenir du commerce serait désormais le «no logo», autrement dit le «sans marque». Le 26 novembre 2015, l’Assemblée nationale, de son côté, a validé la création du paquet neutre pour les cigarettes, qui voit progressivement le jour en France depuis le 20 mai. La question se pose donc aujourd’hui de savoir si nous allons vers la fin des marques.
La prise de conscience de la valeur des marques dans l’entreprise remonte aux années 1980 à la suite d’importantes fusions-acquisitions où les fonds de commerce ont été valorisés essentiellement à travers leur marque (Ducros, Jaguar…) Le développement des activités de services a aussi participé à la nécessité de mettre encore plus en avant les marques pour permettre à des entreprises proposant des services très similaires, comme dans le domaine de l’intérim, de se distinguer. Enfin, le développement du commerce international et de la contrefaçon a rendu encore plus recommandé de protéger les marques de l’entreprise.
Nécessaire besoin de se distinguer des concurrents
Certains courants de pensée économique ont tendance à considérer que les marques ne sont plus aujourd’hui une nécessité pour permettre aux entreprises de différencier leurs produits de ceux de la concurrence, mais la réalité économique semble plutôt aller dans le sens contraire, à savoir celui d’un renforcement de l’importance des marques. Il est vrai que le contexte économique difficile depuis plusieurs années a conduit les entreprises à rationaliser leur portefeuille de marques en se recentrant sur les principales et en limitant leur multiplication, mais on constate, aujourd’hui encore plus que par le passé, un réel besoin d’être titulaire de marques pour se distinguer de ses concurrents.
Le développement de nouvelles activités commerciales, de nouvelles innovations, souvent difficiles à protéger par un brevet, trouvent leur seule protection dans le choix d’une marque et leur rapidité commerciale pour la lancer. Le covoiturage de véhicule, la location d’appartements privés, les services de chauffeurs de véhicules sont de nouvelles activités que seules leurs marques distinguent: Blablacar, Airbnb, Uber… N’importe quel acteur de l’économie pourra reprendre le principe de ces activités que seule la marque distinguera. De nombreuses applications pour smartphone sont mises au point, mais difficiles à protéger techniquement et seul leur signe d’identification permet de les distinguer: Inforad, Coyote, Wikango, Waze, Cansam…
Harmonisation internationale
En parallèle, l’accélération de la mondialisation des échanges, de la vitesse des communications et le développement de la vente par internet augmentent les risques de contrefaçon, et le danger pour une entreprise que sa marque puisse être déposée indûment par un tiers dans un pays où celle-ci ne l’a pas encore protégée. Les dommages seront d’autant plus importants qu’avec la circulation des consommateurs, ces derniers pourront supposer qu’une même marque dans plusieurs pays a une même origine, ce qui peut avilir l’image de la marque et être très préjudiciable pour l’entrepreneur.
L’évolution du commerce mondial et l’arrivée de nouveaux services ne conduisent donc pas à la fin des marques pour une entreprise, mais bien au contraire nécessite une plus grande vigilance dans le choix des marques, une stratégie et un professionnalisme dans leur protection. La mondialisation peut avoir des effets négatifs, mais elle a aussi des effets positifs, par une harmonisation plus importante des législations internationales de protection de la propriété intellectuelle, et en particulier des marques.
On constate que des pays qui ont pu, dans le cadre de leur développement, avoir une stratégie de copies, comme ce fut le cas dans le passé du Japon, et découvrent au fur et à mesure de leur développement la nécessité de protéger leurs créations, marques et industries, et de respecter les règles internationales de protection. La Chine et ses entrepreneurs, encore premiers producteurs de contrefaçons, commencent a ressentir ce besoin.
Quand aux paquets de cigarettes neutres, comme cela est déjà le cas à l’étranger, notamment en Australie, ils conservent la marque dont le consommateur a toujours besoin pour faire son choix, et seuls sont supprimés les logotypes des marques et les décors du paquet.