Il n’est pas besoin d’être un militant zadiste pour constater que, partout en France, les entreprises industrielles se heurtent à des difficultés croissantes pour convaincre les populations locales de l’intérêt de leurs projets d’implantation. Le scénario est presque toujours le même. Les entreprises ne comprennent pas pourquoi on vient leur chercher des poux: elles ont respecté les procédures légales. Un débat public a souvent eu lieu et a confirmé l’intérêt du projet, sous réserve d’aménagements plus ou moins substantiels. Les élus chargés de l’exécutif ont défendu le projet. Les opposants sont ceux qui, traditionnellement, s’opposent aux projets d’infrastructure, qu’ils soient écologistes ou représentants plus ou moins autoproclamés des riverains. Bien vite, le projet se résume à un face-à-face médiatique stérile entre le porteur du projet, de plus en plus tendu, et les opposants, qui peuvent à bon compte se présenter aux journalistes comme des «petits» contre les «gros».
Débloquer la situation
L’exemple du cas d’une grande entreprise industrielle française que nous avons accompagnée est éclairant. Celle-ci rencontrait des difficultés dans le cadre d'un projet d'extension d'un de ses sites. Les opposants au projet apparaissaient de plus en plus organisés et visibles, en particulier sur internet et les réseaux sociaux, sans qu'il soit toutefois possible d'évaluer précisément le soutien dont ils bénéficiaient parmi les riverains. La presse locale organisait une sorte de feuilleton à rebondissements autour du projet.
Pour débloquer la situation, nous avons eu recours à un outil de communication récemment remis au goût par les campagnes électorales depuis Barack Obama: le porte-à-porte. Une quinzaine d'ambassadeurs, spécialement formés, sont allés frapper à plus de mille trois cents portes en quatre jours, afin d’informer les riverains du projet d'extension, d’évaluer leur perception de ce dernier et de remonter leurs questions.
Cette approche directe permet d’abord de prendre conscience que les opposants sont souvent très minoritaires parmi les riverains, plus des deux tiers étant neutres ou mal informés du projet. Le mérite de cette campagne est de faire comprendre à l’entreprise qu’une série de biais l’a enfermée dans un face-à-face avec les opposants à son projet alors que l’enjeu est bien d’établir une vraie discussion avec tous les riverains, et non une minorité. Par ailleurs, la campagne de porte-à-porte a été bien accueillie par les riverains, y compris les opposants. Tout cela sans polémique, y compris sur les réseaux sociaux.
Porte-à-porte 2.0
Quelles leçons en tirer? Il faut que les entreprises recréent du lien et aillent à la rencontre de la population (riverains, usagers, consommateurs) en direct, sans intermédiaire, par une stratégie sur le terrain. Il faut mener des campagnes de porte-à-porte 2.0, alliant technologie (ciblage des populations, applications de remontée d’information) et vraies conversations hors ligne. Il faut pour les entreprises apprendre à vivre dans des sociétés horizontales et non plus verticales où seuls quelques corps intermédiaires faisaient la loi. En un mot: «un homme égale une voix», soit la racine de la démocratie…