La publicité recycle les idées en sélectionnant celles qui sont positives et qui apportent un fragment de bonheur au public. Gageons que, pour mieux traduire l’époque, des marques oseront y recourir dans leur communication. Quelques exemples purement fictifs...
La République, la meilleure alliée pour vendre des produits nationaux?
L’exercice semble délicat mais pas tant que cela: renforcer la République, l’enjoliver, la poser en idéal, et au delà, demander qu’on la protège, la chérisse, la nourrisse en achetant des produits et des services made in France n’a rien d’utopique ni même d’inhabituel: la French Touch de Renault, comme tous les produits qui arborent désormais le pavillon tricolore, en font depuis quelque temps la démonstration. Mais l’idée va plus loin et le nouveau parti «Les Républicains» en témoigne: la République fleure bon et mieux vaut en être et s’en revendiquer clairement.
La discrétion bien française des marques vis-à-vis des événements tragiques de janvier ou de novembre pourrait être rudoyée pour des raisons d’efficacité du discours en ralliant les vertus de la République.
Imaginons, non pas un dentifrice républicain (risque élevé avec la promesse de dents blanches), mais un yaourt, un gâteau ou une banque républicaine, et le champ créatif s’ouvre immédiatement: le yaourt grec soutiendra la République hellénique en danger et la nôtre solidaire, le goût bulgare invitera à une République généreuse ouverte sur les Pays de l’Est et les migrants, le gâteau républicain - enfin équitablement partagé pour que chacun en ait sa juste part - trônera sur les tables, et la banque républicaine deviendra éthique dans ses engagements et ses pratiques au service de la République et de ses citoyens: fini les placements hasardeux ou contre des États affaiblis, fini les transactions opaques et les commissions occultes, fini les refus de prêt aux plus démunis comme les passe-droits aux plus riches, la finance républicaine sera désormais claire et transparente, animée d’un bel esprit solidaire et humain. On en rêve déjà! Messieurs les banquiers, avant de vous esclaffer, n’oubliez pas le succès des fonds de pension américains et canadiens qui ont fait le pari de l’éthique et dont les bénéfices dépassent les acteurs traditionnels…
La laïcité revue et corrigée en ciment transcommunautaire!
Le cinéma a déjà osé, remportant un vif succès avec notamment la comédie Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu? qui mixe avec drôlerie races et religions, opposant préjugés et pratiques réelles. La publicité devrait suivre cette tendance à la douce mixité. Les produits hallal ou casher pourraient inviter joyeusement des non-religieux à aimer leurs produits, au simple motif qu’ils sont délicieux. Hermes pourrait jouer avec son célèbre carré pour montrer qu’une femme peut porter le voile et être tout ce qu’il y a de plus glamour. Le personnage agnostique devrait aussi s’inviter dans les publicités, car, ne croyant pas ou plus en rien, il pourrait à nouveau s’enthousiasmer pour des produits ou des services qui assouviront sa soif d’autrement. Verra-t-on les revues de jeux proposer comme définition «sorte de mosquée pour les juifs» en 9 lettres? Ou la Collective du bœuf revoir son script «anges et démons rassemblés» pour tenter d’unifier ceux qui fuient l’extrémisme de tout bord ?
Nous n’y sommes pas, mais l’approche trans-confessionnelle comme l’opposition croyants-athées pourrait perdre de son caractère tabou et ouvrir de beaux boulevards créatifs.
La liberté reste au programme, la censure aussi…
L’autocensure est rentrée depuis longtemps dans les officines publicitaires, et rares sont les agences qui osent tenir tête longtemps à des commanditaires qui pèsent des millions d’honoraires. La liberté forcément s’accommode mal de ce contrôle policé des annonceurs au nom des valeurs de la marque, quand ce n’est pas l’étude qui dit que…
Rouvrir le champ des possibles au nom d’une nouvelle quête de liberté d’expression, d’un nouvel engouement républicain, d’une nouvelle posture de leurs clients pourrait convenir au peuple et hausser le niveau créatif. Bien entendu, les marques mainstream ne se risqueront pas à des partis pris audacieux sur le sujet, mais on peut imaginer des marques challengers servir de porte-voix à une jeune génération peu écoutée et en manque de représentation. Les marques communautaires ne s’en privent pas, et des marques laïques émergentes pourraient venir s’affranchir clairement des censures religieuses.
Des tendances à suivre, mais certains ne manqueront pas d’ajouter «pas de trop près» et vive 2016!