2015, année terrible fut marquée par les tragiques attentats de Paris, de Charlie au Bataclan. Quinze ans après les événements du 11 septembre 2001 que je découvris en direct sur ICQ (l’ancêtre de MSN), le nombre de producteurs d’informations s’est démultiplié, les moyens de production se sont améliorés, les canaux de distribution se sont renforcés et les possibilités d’interaction sont apparues. Le phénomène de propagation sociale s’est considérablement amplifié, élargi et structuré, notamment sur les douze derniers mois.
La force du visuel
Si nos souvenirs du 11 Septembre 2001 furent marqués par les images en boucle de CNN, c'est bien la puissance de celles diffusées sur Twitter et Facebook, suivies plus récemment par celles animées, de Périscope, qui ponctuent les longues heures de Charlie, de l'Hyper Casher, puis du Bataclan et des autres lieux touchés.
La loi de l'instant
Twitter puis Facebook diffusent les premières infos, initiées par des particuliers et rapidement relayées officiellement par la presse, dont les flux «en direct», jouent le rôle d'un Twitter vérifié par des journalistes. On suit en temps réel l'horreur, d'abord incrédules, anéantis, révoltés. On est «dedans sans y être». Nos flux sont envahis. Via Périscope et Vine, les Parisiens utilisent leur mobile pour diffuser des images, en temps réel, depuis le Stade de France et les quartiers du XIe arrondissement.
Le silence des marques
Les comptes se taisent, les campagnes de publicité sur les réseaux sociaux s’arrêtent, petit à petit. Les flux se concentrent sur les événements. Facebook et Twitter sont au diapason : le fil de Twitter et le mur de Facebook se synchronisent sur la seule actualité qui compte, et sa terrible évolution, minute par minute. Le drame se fraye inexorablement un chemin vers nos pupilles.
L'irrésistible écoulement des flux
Tels des torrents brûlants de lave, nos flux déversent leurs infos, pilotés par un algorithme qui ne cesse de mettre en avant des images choc, toujours davantage partagées, favorisant même des vidéos que l'on retrouve en autoplay sur mobile. Sans retenue, sans recul, sans prévenir.
Twitter ouvre les portes
Sur Twitter, les premiers hashtags dramatiques font irruption #fusillade #paris et très vite, le hashtag #porteouverte structure la solidarité sur le Web. Les internautes indiquent qu’ils peuvent accueillir des gens chez eux, parisiens ou touristes, en utilisant ce code. De son côté, la Préfecture de Police @prefpolice utilise ce canal pour donner des instructions aux Parisiens.
Le soulagement par la fonction
Alors que l’inquiétude pour ses proches gagne la France et le monde, Facebook met en service le Safety Check, pour la première fois en dehors d'une catastrophe naturelle. Safety Check est une option qui permet en un clic de se déclarer (ou de déclarer quelqu'un) en sécurité. Les réseaux sociaux trouvent une fonction sociale inédite et étrange. Se déclarer vivant. L’activation de cette fonction rassure et inquiète en même temps. Facebook se transforme en avis de recherche social.
La communion digitale
A l'ère du social, les manifestations digitales s'organisent rapidement, s'étendent au monde entier, autour de logos mémorables - Je suis Charlie, Peace For Paris. Une nouvelle fonction apparaît : Facebook met ses outils publicitaires au service de la communion et permet aux utilisateurs de modifier leur photo de profil en y ajoutant le drapeau tricolore en filigrane.
Le devoir de mémoire
Les heures passent et certains profils disparaissent pour toujours. Les murs se muent en hommages, les témoignages et les révoltes se partagent, les listes des victimes s’allongent et se propagent; les « likes » soutiennent, supportent, entourent.
L'unité
Le monde entier est Paris. Les footballeurs US courent avec des drapeaux français, et partout les monuments s’illuminent en bleu blanc rouge. A Paris, de nouveau, les réseaux sociaux donnent le signal. Ne pas rester cloitrés. Ne pas rester seul. Ne pas changer. «Tous au Resto». Comme un pied de nez.
Alors, lentement, Paris refait surface. Fluctuat nec mergitur