Spécial digital

L’excitation monte. La salle est plongée dans le noir. Ce soir, on sent bien que nos instincts primitifs vont se déchaîner, que quelque chose va se passer. Ca sent le souffre, personne ne le dit mais on espère un peu de sang. L’arbitre présente le combat. A sa gauche, une bannière de retargeting. Nous sommes quelques-uns à crier, à l’encourager : l’agence média, l’agence digitale, les clients, les créatifs. Des regards malveillants dans la salle se posent sur nous. A sa droite, un ad-blocker. Dieu qu’il a l’air puissant. A l’annonce de son nom, la foule explose, se déchaîne. Très clairement, la salle a choisi son camp, et ce n’est pas le nôtre. La cloche retentit, le combat commence, c’est une boucherie, un seul coup puissant a suffi à faire disparaître notre bannière, dont nous sommes les seuls à regretter la défaite. Ad-blocker 1, Programmatic 0. Un robot en a battu un autre.



Cet été, il a suffi qu’Apple autorise les ad-blockers sur IOS9 pour qu’instantanément Crystal, Purify ou Peace, des apps qui permettent de bloquer les publicités, deviennent les hits de l’App Store. Crystal, Purify, Peace: leurs noms seuls devraient nous éclairer sur l’enjeu auquel nous sommes confrontés dans une période où «Mobile First » sont les deux mots parmi les plus courus de nos recommandations.

 

Notre défi n’est pas simple, mais il est clairement identifié: il faut redonner envie d’aimer la publicité. Et c’est d’autant plus une montagne à franchir que nous-mêmes, dans l’industrie de la communication, appuyons aussi quotidiennement sur «skip» pour voir plus rapidement ce qui nous intéresse, ou soufflons un brin lorsqu’une coupure pub interrompt un programme que nous aimons bien. Dans ce contexte, certains pensent que les datas et la programmatique sont une régression plus qu’une opportunité pour les idées. Certains Mad Men vomissent les Maths Men. John Hegarty, le fondateur de BBH pour lequel on ne peut avoir que du respect tant il a fait des campagnes qui font aimer la publicité, reste très cynique sur les datas et pense que «rien ne pourra remplacer l’intuition».



Doit-on vraiment opposer les deux ? Faut-il nécessairement un vainqueur ? Doit-on penser que lorsqu’on aime les idées, il faut dès lors entrer en résistance? Au contraire, nous pensons que les datas sous toutes leurs formes sont une chance pour la publicité. Quelque part, que les robots sont une chance pour les idées. On peut acheter un même produit pour des raisons différentes. Certains achèteront du Pepsi pour le mettre sur la table du déjeuner. D’autres pour se rafraîchir quand il fait chaud. D’autres pour le mélanger à un alcool. D’autres encore pour guérir une gueule de bois. Parfois même pour les quatre, et les datas ont la capacité de nous le révéler.



Les datas ont cette force inouïe de nous rapprocher au plus près de la vérité et de nous ouvrir, au-delà des fantasmes, à des insights vrais et neufs sur nos cibles, véritable terreau pour les idées. Depuis la nuit des temps, l’industrie parle de ciblage et force est de constater qu’elle tape souvent à côté. Combien de spots télé dans une coupure pub nous sont vraiment dédiés? Combien de spots à la radio ou d’annonces dans des magazines nous intéressent vraiment? A combien de messages automobiles une personne qui n’a pas le permis est-elle exposée dans l’année? Combien de fois un homme a-t-il entendu les mots «avec applicateur» dans des communications dont il se passerait bien ? Combien de publicités pour des sucreries un diabétique doit-il subir par jour?

 

On n’aime pas la publicité quand elle nous est mal adressée, quand elle n’est pas juste, pas pertinente par rapport à notre réalité individuelle. La programmatique a cette force inouïe de nous aider à délivrer les idées quand il le faut, où il le faut et à la bonne personne. Rassurons-nous, rien n’affranchira les marques de devoir faire reposer leur communication sur des grandes plateformes de marque pour créer de la préférence et de la différence. Mais la combinaison des datas et des idées nous donne cette chance incroyable de pouvoir, dès aujourd’hui, proposer des campagnes utiles car personnalisées. Où l’on a vraiment besoin ou envie des produits mis en scène. Dans lesquelles la tonalité est vraiment adaptée à notre personnalité. La dernière campagne de Diesel, «Decoded», qui se moque des codes de la mode auprès d’une cible de «smart rebels» en est le parfait exemple. Elle vit très bien en presse, mais aussi en mode contextuel sur Shazam ou Tinder.

 

Les idées sont en passe de devenir plus riches, mais également plus efficaces. Prêtes à se battre, à remonter sur le ring et à prendre leur revanche. Et s’il ne fallait qu’une data pour se persuader de l’urgence, imaginez que, dans le monde, le revenu estimé de la publicité en ligne bloqué par les ad-blockers est de 44 milliards en 2016. Le double de 2015.

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