Droit

L’Assemblée nationale a adopté le 10 juillet 2015 le texte définitif  de la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite «loi Macron», qui prévoyait deux modifications marquantes du droit de la publicité: l’une en matière d’achats d’espaces publicitaires et l’autre relative à la publicité en faveur des boissons alcooliques. Censurée par le Conseil constitutionnel par décision du 5 août 2015, la nouvelle définition de la propagande indirecte en faveur des boissons alcooliques, qui avait donné lieu à des débats houleux entre les lobbies viticoles et les associations de défense de santé publique, a été supprimée du texte final. Promulguée le 6 août 2015 sous le numéro 2015-990, la loi Macron limite donc son incursion en droit de la publicité au secteur de l’achat d’espaces publicitaires.

 

La loi Sapin s’applique à internet

 

La loi Macron insère à l’article 20 de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques, dite «loi Sapin», les mots «sur quelque support que ce soit», précision en apparence anodine, qui suffit à soumettre le support internet à l’exigence d’un mandat écrit entre l’intermédiaire qui vend l’espace publicitaire et l’annonceur. Cette exigence vise à fixer les conditions de rémunération du mandataire pour chaque prestation effectuée pour l’annonceur et à éviter la confusion entre l’acheteur et le vendeur d’espaces.

 

Or, avec le développement de la publicité en ligne, le schéma traditionnel annonceur/agence/régie est remis en cause et la question de l’application de la loi Sapin à internet opposait les annonceurs, qui redoutent une nouvelle opacité des pratiques tarifaires, aux nouveaux intermédiaires, qui proposent des offres globales d’achats d’espace associées à des prestations de performance et d’analyse des données et des profils. Si la loi Macron apporte une réponse claire, à savoir l’application de la loi Sapin à tous les supports de communication, internet compris, reste en suspens la question délicate, et essentielle en pratique, des modalités de reporting aux annonceurs sur le prix d’achat des espaces par les intermédiaires.

 

Autrement dit, le débat n’est plus de savoir si la loi Sapin s’applique à l’achat d’espaces sur internet (ce qui avait déjà été admis par la jurisprudence [1]),  mais à quels acteurs et comment. Conscient de la difficulté, le législateur a prévu que les modalités d’application des obligations de compte-rendu seront précisées par décret en Conseil d’Etat. Dans ce contexte, l’Union des annonceurs préconise la mise en place d’outils de reporting adaptés à la publicité digitale et appelle à la concertation de tous les acteurs pour assurer la libre concurrence sur le marché publicitaire [2].

 

La loi Evin reste inchangée

 

La loi Macron, dans sa version définitive adoptée par le Parlement, prévoyait d’exclure de la notion de publicité ou propagande indirecte [3] en faveur des boissons alcooliques les contenus relatifs notamment à une région de production, un terroir, un savoir-faire, un territoire protégé ou au patrimoine culturel, gastronomique ou paysager liés à une boisson alcoolique disposant d’une identification de la qualité ou de l’origine. L’objectif était de mieux circonscrire la notion de publicité ou propagande indirecte en faveur des boissons alcooliques et de permettre aux contenus de pure information de ne pas tomber sous le coup de la loi Evin.

 

Cette disposition, considérée comme un « cavalier législatif », c’est-à-dire comme n’ayant aucun lien avec le sujet traité par la loi en question, a été supprimée par le Conseil constitutionnel. Les associations de lutte contre l’alcoolisme ont donc obtenu gain de cause.

 

Bien que la frontière entre publicité et information, entre publi-reportage et contenu éditorial, soit mince, l’article L.3323-3-1 du Code la santé publique, tel que modifié par la loi Macron avant la censure du Conseil constitutionnel, avait toutefois le mérite de préciser les contours des contenus autorisés, sans remettre en cause les supports et les indications limitativement autorisées par les articles L.3323-2 et L.3323-4 du même Code. Le gouvernement a indiqué que les articles censurés seront à nouveau soumis au Parlement dans les prochains mois.

 

Dans l’intervalle, il faut accompagner les professionnels du secteur (tels que les annonceurs du secteur viticole et les associations de défense de la santé publique) pour trouver un texte de compromis. Une clarification de la notion de publicité indirecte en faveur des boissons alcooliques paraît en effet souhaitable.

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