Politique

En cas de crise médiatique, l'éloignement géographique est souvent un facteur d'apaisement. Si son déplacement à Berlin est à l'origine de la polémique qu'a dû affronter Manuel Valls cette semaine, il est vraisemblable qu'à son retour de La Réunion d'autres sujets auront pris le devant de la scène. Cela d'autant plus, qu'il a eu, avant de partir, la sagesse de «lâcher» un peu de lest par rapport aux réponses très raides initialement apportées à ceux (nombreux) qui le critiquaient. L'expérience montre que, quand on est Premier ministre, vouloir rester trop droit dans ses bottes ne réussit pas nécessairement.

 

Mais la semaine écoulée pourrait devenir un cas à enseigner aux étudiants en communication. A l'origine: une double erreur de communication du Premier ministre. En premier lieu, ne pas avoir inscrit son voyage berlinois à son agenda officiel, ce qui ne pouvait que créer l'idée d'un déplacement privé et susciter le doute quand a été avancée, en réaction aux premières interrogations, la thèse de la réunion de travail avec le président de l'UEFA. L'aurait-il fait que rien de ce qui a suivi ne serait arrivé. En second lieu, puisqu'il savait qu'il passerait la soirée de samedi à Berlin, pourquoi avoir laissé ses collaborateurs répéter à l'envi qu'il allait rester durant tout le congrès à Poitiers pour être avec les militants et dialoguer avec eux ? Le décalage entre le discours affiché et le comportement réel n'a fait que renforcer les doutes et  entretenir la controverse, y compris chez les soutiens habituels de l'exécutif.

 

A partir de là s'est déroulé le scénario «normal» d'une crise dont la communication est mal gérée. Comme toujours en trois séquences. Premier temps: le déni autour du thème du voyage de travail repris par tous les soutiens du Premier Ministre, y compris le président de la République. Avec, dans cette séquence, un Manuel Valls très catégorique et sûr de lui. L'explication ne fit que nourrir la polémique avant d'être subtilement démentie par Michel Platini dans une déclaration lue mot à mot en conférence de presse et suffisamment balancée pour laisser croire qu'il appuyait le Premier ministre tout en démentant ses propos. Vint alors le deuxième temps, celui qui consiste à essayer détourner la polémique vers d'autres. Le rappel à l'envi du déplacement au Havre de Nicolas Sarkozy ayant fait pschitt, fut avancé l'argument que critiquer la présence des deux fils du Premier Ministre faisait le jeu du Front national. Sans plus d'effet.

 

Il fallut donc  passer sans plus tarder à la troisième phase, celle de l'aveu, une «erreur de communication» selon le Premier Ministre, et de la repentance, le remboursement du déplacement de ses deux fils. On pourra certes relever que la présence de ceux-ci n'avait rien coûté, argument au demeurant abondamment utilisé jusqu'alors par les défenseurs du Premier ministre. On ne manquera pas de souligner le paradoxe consistant à rembourser ce qui n'a pas créé de dépense pour faire oublier ce qui a eu un coût réel. Mais la communication de crise n'est pas affaire de rationalité. Seul compte en l'espèce le changement de posture manifesté par le demi-aveu et le début de repentance que constitue le paiement du transport des enfants.

 

La crise va s'apaiser mais il n'est pas sûr qu'elle ne laissera pas des traces durables sur l'image du Premier ministre. Cela n'aurait sans doute pas été le cas si Manuel Valls dès dimanche avait revendiqué le caractère «ludique» de son déplacement et annoncé sa décision de prendre en charge une partie de son coût, conformément aux règles en vigueur pour les voyages privés des Premiers ministres. Personne ne peut reprocher à ceux-ci de vouloir préserver un minimum de vie personnelle et familiale. Et nombreux sont ceux en France qui auraient compris que Manuel Valls ait préféré passer son samedi soir à admirer les exploits de la dream team de Barcelone plutôt que de dîner avec Jean-Christophe Cambadélis. Encore aurait-il fallu l'assumer en toute transparence.

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