L'éthique des journalistes a été fortement remise en cause ces derniers jours. La cause? Deux affaires récentes soulevant le problème de la protection des sources et du non-respect de la déontologie. Petit rappel des faits : la polémique a commencé à l'occasion de la diffusion, le 29 mars sur TF1, du nouveau magazine d'information présenté par Emmanuel Chain, Haute Définition. Le jour de la diffusion du reportage sur des dealers à Tremblay-en-France (Seine-Saint-Denis), la police, qui enquêtait elle-même sur l'affaire depuis des mois, effectue quatre interpellations, saisi 980 000 euros et des quantités de drogues. Le rôle des journalistes dans cette perquisition est aussitôt évoqué.

La deuxième affaire concerne une équipe de l'émission Les Infiltrés, diffusée le 5 avril sur France 2, ayant réussi à pénétrer un réseau de pédophiles et rencontrant des violeurs d'enfants «en activité». Une fois l'enquête en caméra cachée terminée, les reporters de l'agence Capa ont dénoncé à la police tous les pédophiles.

Ces deux cas soulèvent la question de la qualité des liens entre journalistes et forces de l'ordre, et divisent l'opinion publique et la profession. Si le public répond majoritairement (67%) qu'il est normal que les journalistes aient dénoncé de tels crimes dans un sondage publié sur le site du JDD, les commentaires, eux, s'insurgent surtout contre l'inefficacité de la police, qui bénéficie pourtant des mêmes possibilités d'investigation.

Les rédactions, elles, sont divisées sur la question. D'un côté, les «puristes» pensent que les journalistes sont dans une sphère particulière, exemptés de toute contrainte. De l'autre, certains admettent, se positionnant comme citoyens, qu'ils ont agi humainement. L'agence Capa et le producteur Hervé Chabalier ont décidé de s'expliquer dans un communiqué envoyé aux médias: «Les journalistes de Capa ont choisi de ne pas prendre le risque que le pire se réalise, c'est-à-dire que soient mis en danger des enfants.» Interrogé par Jean-Marc Morandini sur Europe 1, l'avocat Richard Malka balaye les arguments de Capa, jugeant qu'«un journaliste n'est pas un juge ou un indic, il n'y a jamais d'obligation pour un journaliste d'aller dénoncer ses sources à la police».

Mais un autre problème est soulevé : un journaliste peut-il s'infiltrer dans un milieu, avec caméra cachée, permettant d'en révéler la réalité de son fonctionnement ? Le public, lui, est favorable à 78% à l'utilisation de ces techniques dans les reportages d'investigation, selon un sondage sur le site opiniondujour.com, mais la profession est loin d'être unanime. Déjà, l'an dernier, le journaliste Jean-Michel Aphatie n'y était pas allé de main morte dans son blog à propos de ces techniques : «L'idée même de cette émission est scandaleuse. (...) Avancer masqué, dissimuler sa fonction professionnelle, cacher le vrai but de son travail s'apparente à du viol, à un vol, et il est extrêmement difficile, voire franchement impossible, de présenter cela comme du journalisme. Le mot d'espionnage serait plus adapté.»

La question de la légitimité aurait dû être posée au préalable car, comme l'estime à ce sujet Bernard de la Villardière, le présentateur d'Enquête exclusive sur M6, sur son blog, «un journaliste ne doit tricher avec sa qualité professionnelle qu'une fois épuisés tous les moyens d'informer honnêtement, librement».

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