Loin d'être courtisé par les jeunes diplômés, ce métier exige d'être convaincant, malin, de savoir anticiper et se montrer digne de confiance. Désormais, le chargé des relations presse apparaît aussi essentiel que les banquiers ou les avocats lors d'une gestion de crise.
Rares sont aujourd’hui les candidats qui entrent dans votre bureau en vous disant qu’ils aimeraient faire des relations presse. Pourtant, même quand en agence, c’était un métier du « fond du couloir », j’y suis toujours resté très attaché. Parce qu’il faut savoir convaincre. Parce qu’il faut construire une stratégie comme un joueur d’échecs et avoir un coup d’avance sur la concurrence ou sur l’actualité. Parce qu’il faut s’installer comme un tiers de confiance. Longtemps, ce métier a été caricaturé, présenté comme un simple carnet d’adresses quand il n’était pas copinage et invitations. Il a fallu ensuite des grandes opérations financières, des accompagnements de dirigeants, des gestions de crise pour faire la preuve de sa centralité. Quand un titre apparaissait négatif, quand un éditorial mettait à jour des faiblesses, les RP devenaient un métier quasiment aussi essentiel que les banquiers ou les avocats, un de ceux sans lesquels l’entreprise ne pouvait pas gagner. S’est alors installée la communication d’influence parfois réduite elle aussi aux « spin doctors ». Le métier est devenu attractif. Pour les « jeunes pousses » qui n’avaient pas choisi la marque comme terrain de jeu, l’influence brillait. Elle parlait à l’oreille des patrons. Déjà, au-delà des « coups » et des opérations commandos, un autre pan de l’expertise se consolidait : un travail au long cours pour construire l’image d’une entreprise, la rendre crédible, innovante, référente ou celle d’un dirigeant pour l’affirmer parmi ses pairs, le rendre visible et expert dans sa communauté.
Tout cela bien sûr n’a pas disparu et compte encore profondément pour l’exercice d’une discipline qui n’a plus à prouver son utilité, ni sa professionnalisation. Mais le climat dans lequel elle s’exerce à lui profondément changé. D’abord à l’heure de la transparence, les « off », les « indiscrets » les « sources internes » sont scrutées avec vigilance. Le journaliste « n’achète » pas une information même quand elle apparait alléchante. L’exigence de traçabilité de l’information est devenue première.
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Ensuite parce que la concurrence est omniprésente dans le paysage médiatique. Elle rend ainsi l’exclusivité plus difficile à promettre, et l’embargo plus compliqué à tenir. Et parce que la technologie permet d’identifier rapidement si une information est déjà parue, elle démasque facilement ceux qui voudraient la recycler sans en attribuer la paternité à ses premiers auteurs.
Enfin parce que la défiance à l’égard de la parole « officielle » rend évidemment suspecte la parole des officiers traitants en charge des relations médias. « Langue de bois », « bullshit », « diversion », les critiques adressées sont certes parfois injustes mais traduisent aussi le corset dans lequel s’est glissé la communication des entreprises. Le fact-checking a aussi fait irruption dans la manière d’exercer la profession.
Reste une modification profonde et évidente, c’est la manière dont les relations-presse ont été disruptées par les réseaux sociaux et notamment par Twitter, première source d’information de nombreux leaders d’opinion. Si 256 caractères ne suffisent pas pour le décryptage, ils donnent en quelques secondes l’effet, le « spin » dont les communicants cherchaient à avoir le contrôle. Et la désintermédiation menace ceux qui ont pour vocation de « parler » aux journalistes.
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Le métier est donc en plein bouleversement. Pour conserver sa mission stratégique et sa place parmi les expertises clés de la communication, il doit faire de la transparence et de la confiance sa marque de fabrique. Il doit encore renforcer sa créativité pour réussir à faire émerger des informations dans un paysage hyper-occupé. Il doit accompagner l’évolution du rôle sociétal des entreprises, faire sien le discours de preuves, montrer qu’il est ouvert au débat, donner à voir la mesure des engagements pour s’extraire du « tout-communication ». Enfin il doit faire des réseaux sociaux non pas un concurrent mais un allié en développant des stratégies hybrides.
C’est en réussissant ces évolutions que les relations médias retrouveront leur attractivité sur le marché des talents. Qu’elles parviendront à convaincre à la fois les meilleurs mais aussi les plus engagés sur le chemin d’une communication sincère et plus en phase avec la société.