La communication autour de la santé n’a jamais été autant présente dans nos vies. Les entreprises doivent avoir le courage de s’engager sur ce terrain en tenant compte des débats de société qui la traversent.
En avril 1987, après la création d’Aides et avant la constitution d’Act-Up, le ministère de la Santé lançait la première grande campagne nationale d'information et de sensibilisation pour la lutte contre le Sida. Enfin, la santé publique rentrait dans notre quotidien par la petite lucarne. Quatre décennies après, la communication autour de la santé n’a jamais été autant présente dans nos vies. Qu’on parle de vaccination ou de sensibilisation au diagnostic précoce, il est bien fini le temps des campagnes que l’on regarde du coin de l’œil à l’arrêt de bus : les enjeux de santé sont maintenant au cœur de tous les débats et de toutes les préoccupations. Et pour cause, la santé fédère et rassemble autour de valeurs communes dans une période où tout fait débat et divise.
Le sujet de la santé n’en reste pas moins difficile à aborder. Surtout quand les frontières sont si mouvantes et poreuses, entre sincère volonté de mobiliser et légitimes enjeux économiques. De fait, naviguer dans l’espace public est devenu un jeu d’équilibriste, où les repères traditionnels et les foyers historiques de légitimité s’évanouissent. Dans ce nouveau brouhaha, c’est aux entreprises d’innover pour porter des récits rassembleurs et défendre des causes justes et «concernantes». La poignante série de podcast de Clémentine Vergnaud, journaliste décédée subitement des suites d’un cancer, a bien montré toute la force des voix incarnées.
C’est pourquoi les entreprises doivent avoir le courage de s’engager en santé. Comme l’a relevé Raphaël Llorca dans son essai sur le nouvel imaginaire porté par les marques, l’entreprise est devenue un lieu de création de récits et de symboles concurrent du politique. Aujourd’hui, à l’évidence certains sujets dépassent les frontières des entreprises. La santé a cette particularité d’être un champ d’exploration tentaculaire pour qui s’y intéresse.
Qu’est-ce qui façonne aujourd’hui le champ de la santé ? D’emblée, au centre de tout, c’est bien sûr le monde médical et la recherche scientifique. Les instituts publics, les hôpitaux, le cabinet du médecin généraliste et le laboratoire de recherche, au CNRS ou ailleurs. C’est le champ du social, la médecine publique et la Sécurité sociale, le progrès des soins et le «bien vieillir» plus d’actualité que jamais. C’est aussi, il ne faut pas l’oublier, un champ politique crucial et parfois clivant, instigateur de certains des plus grands débats de société de notre époque, de l’IVG à la loi Leonetti.
Sortir des sentiers battus
La santé est traversée par des enjeux sociétaux qui obligent ceux qui en façonne les contours. Au niveau des relations presse notamment, la mésinformation, et pire la désinformation, sont des fléaux qui motivent à sortir des sentiers battus. Quels sont les points communs entre une campagne de vaccination, la lutte contre le cancer, l’essor de l’intelligence artificielle et la crise de vocation médicale ? Ce sont de formidables terrains d’exploration pour communicants engagés, à travers les voix de ceux dont c’est le quotidien : soignants, patients, aidants, industriels, associations, fédérations ou encore des instituts.
En santé comme ailleurs, il faut donner la parole à tous. Faire parler ceux qui font et faire entendre ceux qui le vivent dans leur chair. Sans avoir peur d’entrer sur le terrain et de prendre part au débat. C’est la clé d’un débat équilibré et juste, exhaustif et représentatif d’un secteur qui, dix ans en avant ou en arrière, était et sera tout autre. Les entreprises sont-elles légitimes à porter des causes ? Oui, bien-sûr, ce devrait même être un devoir. La santé publique doit-elle se parer de visions politiques ? La science doit-elle infiltrer toutes les strates de l’opinion pour rétablir sa vérité ? Évidemment.
Il n’y a pas de réputation réussie sans moteur plus grand que soi, oser embrasser des causes avant de construire une réputation est la première pierre du chemin d’une réussite au service des patients et des citoyens. L’influence médicale, scientifique, doit aller de pair avec une responsabilité sociétale forte et assumée.
