L’année 2024 sera caractérisée par une concentration inédite d’échéances électorales à travers le monde, qui pose des défis majeurs aux pouvoirs publics et aux plateformes numériques, dans un contexte marqué par les guerres de l’information et l’essor des IA génératives.
2024 sera l’année des défis. Selon le cabinet américain Anchor Change, pas moins de 83 élections sont prévues, soit la plus grande concentration électorale à l’échelle mondiale depuis 24 ans. Elles incluent des élections majeures pour de nombreux pays : législatives indiennes en mai 2024, européennes en juin prochain et, bien sûr, l’élection présidentielle américaine au mois de novembre. Des scrutins cruciaux dans des zones d'attention, tels que Taiwan et peut-être l'Ukraine, ajoutent une dimension géopolitique complexe.
Dans un contexte de multiplication de campagnes de guerres de l’information menées par des États comme la Russie, la Chine, ou de façon plus modeste mais bien réelle, de l'Azerbaïdjan contre la France à l’heure des Jeux Olympiques, comment pouvoirs publics et acteurs privés peuvent-ils relever ces défis ?
Les réseaux sociaux, pierre angulaire de l'information moderne, se trouvent au cœur des enjeux. X, anciennement Twitter, reste un mastodonte avec 556 millions d'utilisateurs mensuels. Cependant, le spectre de l'attrition des ressources humaines plane, notamment après le rachat par Elon Musk et les départs massifs, soulevant des questions sur la capacité des plateformes à maintenir un environnement informationnel équilibré.
Avec respectivement près de 5 millions et 130 millions d’utilisateurs, les offres concurrentes de micro-blogging Bluesky (fondé par le fondateur et ancien CEO de Twitter, Jack Dorsey) et Threads (Meta) n’ont, pour le moment, pas atteint une masse critique d’utilisateurs comparable à celle de X. Sans compter que plusieurs géants des réseaux sociaux ont procédé à des licenciements. Cette attrition en ressources humaines au sein des principales plateformes de l’agora numérique mondiale renforce les inquiétudes au moment de l’entrée en service des chatbots d’IA générative.
IA et désinformation : les plateformes se veulent rassurantes
L’avènement des outils d’IA générative tels que ChatGPT de la société OpenAI, Copilot (Microsoft) et Bard (Google), suscite une nouvelle source de questionnements sur les risques d’exposition des opinions publiques à la diffusion de fausses informations et aux manœuvres coordonnées de manipulations.
Lors des élections législatives slovaques de septembre 2023, le candidat d’opposition avait été la cible d’un deepfake audio suggérant que les élections allaient être truquées. Pour l’opération «Döppelganger», l’entreprise américaine de cybersécurité Recorded Future estime «probable» l’utilisation d’IA génératives pour alimenter en contenu les pages web du dispositif informationnel russe. Sur un autre registre, la diffusion massive d’un fake pornographique ciblant la chanteuse Taylor Swift sur X a démontré le potentiel de diffusion de ce type de contenus - quoique rapidement détecté.
De leur côté, les plateformes se veulent rassurantes quant à leurs capacités de détection de contenus générés par IA. Dans son rapport de transparence d’avril-juin 2023, YouTube affirme avoir été en mesure de supprimer 93% des vidéos violant ses conditions d’utilisation. Un chiffre de 62% est avancé par TikTok, tandis que Meta affirme être en mesure de pouvoir en détecter 90%.
Régulation et collaboration : les clés de la résilience démocratique
Bien sûr, les opérateurs privés ne peuvent être tenus pour seuls responsables de la garantie d’un accès équilibré à une information de qualité, de la transparence et l’équité du débat public. Garantir l’exercice de ces droits fondamentaux demeure l’apanage des pouvoirs publics ; l’entrée en vigueur du règlement européen sur les services numériques est une des pièces du dispositif.
La résilience démocratique exige une collaboration étroite entre les acteurs publics et privés, une régulation proactive et une vigilance constante face aux avancées technologiques. La garantie d'un accès équilibré à une information de qualité demeure un défi collectif, mais le chemin vers une démocratie résiliente est en marche.
Espérons, pour reprendre l’expression du cofondateur d’OpenAI Sam Altman, que les sociétés libres auront développé suffisamment d’«anticorps sociétaux», pour faire face à leurs défis à venir.