Après avoir longtemps fait bureaux à part, les services RH et marketing des entreprises ont appris à s’apprivoiser jusqu’à convoler pour répandre la marque employeur autour d’eux. Cette relation est une nécessité, voire un exemple à suivre pour les organisations obnubilées par la sacro-sainte verticalité.
Toute personne connaissant la mécanique des comédies romantiques (avec ou sans Hugh Grant) sait qu’elle est plutôt basique : les idylles naissent d’un quiproquo entre deux êtres que tout semble opposer. Le modeste libraire et l’actrice starifiée, la femme d’affaires et l’artiste bohème, l’héritier aristo et l’altermondialiste... Dans le monde de l’entreprise, c’est un peu la même chose. En versant un peu dans l’anthropomorphisme et en ajoutant quelques clichés, on pourrait assimiler le service RH à une personne plutôt stricte, à cheval sur ses principes, et celui du marketing et de la communication à un rebelle (avec ou sans cause) qui, pour arriver à ses fins, renverse les codes. Pour que ce scénario soit validé, il suffit d’un simple élément déclencheur pour les réunir dans une même pièce et faire en sorte que la magie opère : la marque employeur.
Dans un monde ultra-connecté où tout s’affiche, tout se vend, tout s’achète et tout se sait, l’entreprise a dû évoluer. Le marketing (majoritairement tourné vers l’extérieur à travers la conquête de clients) et les RH (principalement soucieux de l’intérieur et des ressources) ont l’un comme l’autre fait évoluer leurs perspectives et saisi l’importance de cesser de délivrer deux messages distincts. Ainsi, les RH doivent investir les terrains de jeu du marketing et de la communication, tandis que les marketeurs et communicants contribuent aux valeurs qui façonnent l’entreprise et aident les RH dans la séduction de talents. La donne a en effet changé. Auparavant, le candidat devait séduire, désormais, c’est l’entreprise qui doit le faire. Cela passe par une approche résolument plus sincère, humaine et responsable.
La marque employeur comme accélérateur
Responsable. Le mot est lâché. La responsabilité sociale des entreprises et les politiques de développement durable ne sont pas des effets de mode mais bien de nouvelles donnes à prendre en compte pour la marque, en interne comme en externe. Cette réunion des RH et du marketing autour de la marque employeur représente en effet un réel enjeu économique et concurrentiel, pas juste esthétique. La première étape consiste pour la fonction RH à identifier les valeurs déjà présentes dans l’entreprise et à les formaliser, c’est d’ailleurs à cet instant que la communication entre en jeu.
Les valeurs pré-existent, parfois de manière totalement inconsciente, et la fonction RH participe à cette prise de conscience. Une fois les ingrédients de la marque employeur réunis, le marketing et la communication vont ensuite faire en sorte que ces valeurs soient incarnées à travers des messages forts qu’il faudra ensuite adapter et diffuser sur différents supports. Naturellement, pour que la marque employeur soit efficace et l’entreprise crédible, la gouvernance doit incarner ces valeurs, voire les «prouver». La sincérité de l’entreprise ne doit faire aucun doute sinon, le message est totalement brouillé, voire inaudible.
De la fusion au mimétisme ?
Pour mesurer l’impact de leurs actions conjointes, RH et marketing vont ensuite utiliser la même grammaire et fusionner leurs outils : sites et plateformes de recrutement attrayants, réseaux sociaux pertinents, vidéos vivantes et spontanées... Sans oublier les inévitables KPI servant à mesurer l’engagement et la qualité des actions menées.
Ces efforts ne se concentrent pas uniquement sur l’externe même si, par ricochet, de belles opérations digitales finissent toujours par valoriser les collaborateurs d’une façon ou d’une autre en renforçant le sentiment d’appartenance, voire de fierté. Inévitablement, à force de côtoyer le service d’à côté, le mimétisme opère de part et d’autre. Les ressources humaines veulent oser davantage et communiquer en interne de manière plus innovante. Elles ont alors tout intérêt à suivre les conseils du département marketing pour revoir leur stratégie d'onboarding et autres campagnes de recrutement : des visuels utilisés jusqu’aux mots employés. Si les RH ne doivent plus être le parent pauvre de la communication, le marketing doit remettre de l’humain et du concret dans ses habitudes.
En définitive, il n’y a pas mieux que l’humain pour légitimer une marque employeur. RH et marketing ont donc tout intérêt à dresser ensemble le portrait-robot de celles et ceux qui, en étant authentiques, donneront une image plus juste de l’entreprise. Sélectionnés, accompagnés, formés et valorisés, ces ambassadeurs sont les véhicules naturels des valeurs défendues. Par leur légitimité, ils renvoient dans les cartons du passé les hommes/femmes-sandwich, au même titre que les mannequins trop esthétisés ou les banques d’images trop corporate pour être vraies. Citoyens, consommateurs, et candidats sont de plus en plus en quête d’authenticité. Et si l’explosion de visuels et autres contenus interchangeables générés par l’intelligence artificielle accéléraient de manière presque paradoxale cette tendance ?
Sophie Sureau est l'auteur de l'ouvrage RH en alerte : défis et stratégies à l’horizon 2030, paru aux éditions FYP.