Malgré son succès indéniable en termes d'écoute, le podcast souffre d'une absence de statut juridique propre. Il est temps de changer ça pour encourager la création sonore française.
En plein essor depuis une dizaine d’années, les podcasts dits « natifs » font désormais plus de 20 millions d’écoutes chaque mois, selon l'ACPM, et 36% des Français déclarent écouter régulièrement des podcasts pour la diversité et la qualité des sujets abordés, leur accessibilité et leur gratuité, d'après une étude Médiamétrie. Une abondance de contenus est chaque jour diffusée sur les plateformes d’écoute en ligne, nourrissant des débats sociétaux d’envergure, souvent délaissés par les médias traditionnels. En quelques années, le podcast est ainsi devenu un média culturel de premier plan.
Pourtant, derrière cette apparente prospérité se cache une industrie culturelle en souffrance. Les studios de podcasts peinent à rentabiliser leurs productions, supportées par des revenus publicitaires insuffisants, tandis que de nombreux auteurs souffrent d’une précarité financière préoccupante. Le secteur est marqué par une tendance à la concentration et le rachat de studios indépendants par des géants des médias.
La cause ? Le podcast est une innovation culturelle qui ne bénéficie d’aucun régime juridique adapté, évoluant dans un environnement économique fragile et défavorable à son développement. Une prise de conscience des pouvoirs publics est urgente.
Pour la création d’un statut juridique propre au podcast
Le podcast est un ovni juridique, qui ne bénéficie d’aucun statut propre et n’entre dans aucune case existante. En effet, le podcast n’est ni une œuvre audiovisuelle, ni une œuvre radiophonique, ni une œuvre de presse et encore moins une œuvre musicale. Dans ces conditions, les acteurs du secteur n’ont d’autres choix que de composer avec des régimes juridiques voisins mais inadaptés, coûteux et insécurisants.
Par ailleurs, faute d’existence juridique propre, les auteurs et producteurs de podcasts ne bénéficient d’aucuns avantages fiscaux, subventions et autres aides à la production, comme c’est le cas dans n’importe quel autre secteur culturel. Certes, une aide expérimentale spécifique, d’un montant annuel de 500 000 euros, a été créée en 2021 en faveur des auteurs de podcasts. Elle ne devrait toutefois pas être reconduite l’année prochaine, au désespoir de tout un secteur.
Seule la consécration d’un régime juridique propre à l’œuvre podcast permettrait d’offrir à cette industrie une règlementation adaptée en matière de droit du travail, de propriété intellectuelle et de fiscalité, avec pour objectif de faciliter et de sécuriser le processus de production, de rééquilibrer les coûts et ainsi encourager la création sonore française.
A ce titre, nous saluons l’amendement au projet de loi de finances 2024, déposé en novembre dernier par plusieurs députés, proposant de débloquer 5 millions d’euros pour le « soutien à la création, à la production et à la diffusion du podcast », et la création d’un cadre juridique spécifique. Non débattu pour cause de 49-3, il pourrait toutefois s’agir des prémices d’une prise de conscience attendue.
Pour un plus juste partage de la valeur économique
Outre l’absence de régime juridique adapté, le podcast souffre d’un modèle de diffusion ne permettant pas une rémunération juste et équilibrée des différents acteurs de la création sonore. Contrairement aux œuvres littéraires, musicales ou encore cinématographiques, les podcasts sont majoritairement diffusés sur des plateformes de streaming, telles que Deezer, Spotify ou Apple Podcast, sans contribution directe de la part des auditeurs.
Alors même qu’elles bénéficient du large répertoire offert par l’industrie sonore, ces plateformes de streaming estiment de manière contestable ne pas être redevables de droits d’auteur ou de droits voisins au profit des auteurs et producteurs de podcasts.
Autrement dit, aucune rémunération n’est versée en contrepartie de la diffusion des podcasts, creusant ainsi le déficit économique subi par le secteur. Notons à cet égard que la Scam (Société civile des auteurs multimédia) est actuellement en négociations avec Deezer et menace d’intenter une action en justice contre Spotify pour tenter de faire bouger les lignes.
Le podcast n’est plus un nouveau-né du paysage médiatique et culturel français. Il est urgent que les pouvoirs publics se saisissent de ces difficultés pour lui offrir un statut juridique propre, et agissent en faveur d’un plus juste partage de la valeur, afin de soutenir la création sonore française.