Face à l’urgence écologique, le marché des produits technologiques a vu naître une multitude d’initiatives visant à le rendre plus durable. Pourtant, les consommateurs semblent rester majoritairement insensibles à ces propositions.
Au cours des dix dernières années, le marché des biens technologiques a vu émerger un segment particulièrement dynamique d’offres tournées vers la réduction de l’impact environnemental. De l’emblématique Fairphone aux spécialistes du reconditionnement, en passant par les appareils modulables et réparables, les initiatives en faveur d’une technologie plus durable foisonnent. Et pour cause, la prise de conscience progressive du grand public face à l’urgence écologique en général et la crise climatique en particulier a fait de la RSE un enjeu stratégique de premier plan pour les acteurs majeurs du marché mais aussi une opportunité de différenciation pour les outsiders. Une tendance également encouragée par un cadre réglementaire incitatif. Indice de réparabilité, législation contre l’obsolescence programmée ou encore promotion obligatoire de la seconde main tendent ainsi à avantager ces nouvelles offres en valorisant leurs différences.
Pourtant, après plus d’une décennie de croissance significative de l’offre, force est de constater que le premier bilan pour les acteurs de ce segment est plus que mitigé. La high-tech traditionnelle se porte au mieux et rien ne semble menacer à court terme sa domination sur le marché. Les appareils neufs représentent encore l’immense majorité des ventes et le secteur reste dominé par les acteurs situés dans la moitié haute des gammes de prix, proposant de nouveaux produits à un rythme toujours soutenu. Apple et Samsung sont ainsi toujours les marques les plus recherchées sur les comparateurs de prix et Dyson est même devenue la marque de référence en matière d’aspirateurs.
Face à ces marques haut de gamme exclusivement positionnées sur les critères de performance, aucun acteur majeur de la technologie durable n’est aujourd’hui en position de se détacher pour représenter une concurrence sérieuse. Un constat également valable pour les distributeurs. Malgré ses levées de fonds considérables et remarquées, le succès de BackMarket se fait encore attendre et le lancement par Amazon de sa boutique dédiée au reconditionnement est loin d’avoir soulevé les foules.
Manque d’engagement des marques
Comment expliquer cet échec de la transition écologique du secteur ? Un premier réflexe consisterait à accuser les consommateurs d’une indifférence coupable aux questions environnementales. On sait pourtant que les désirs des consommateurs sont fortement déterminés par le marketing et en particulier par la force de frappe massive des géants de la technologie en matière de publicité. Dans ce contexte, il pourrait être plus juste de cibler le manque d’engagement des marques et des principaux distributeurs du secteur. Ceux-ci laissent en effet à leurs concurrents de plus petites tailles le soin de construire des alternatives durables mais aussi de valoriser cette offre radicalement différente auprès du grand public, une tâche effectivement titanesque.
La solution réside-t-elle dès lors dans une plus forte régulation du secteur publicitaire ? Déjà activé par de nombreux Etats, ce levier pourrait en effet être mobilisé à plus grande échelle si les émissions de CO2 associées aux appareils numériques continuent leur hausse. Mais les quelques expérimentations en matière de régulation écologique ne semblent avoir que des effets extrêmement limités, comme le montre l’augmentation constante des ventes de SUV malgré l’obligation de mentionner leurs émissions excessives de gaz à effet de serre.
La leçon à tirer de l’échec des offres de technologie durable pourrait alors être celle-ci : la transition écologique ne peut reposer sur les choix des consommateurs. Ne resterait alors plus que l’option d’une transformation de la production et d’une législation directe sur la traçabilité et la sobriété des composants. Une contrainte qui pourrait bien catalyser l’innovation et pousser les leaders du marché à développer des alternatives durables adaptées aux besoins des consommateurs. La technologie durable étant une nécessité, son échec ne saurait quoi qu’il arrive être que provisoire.