Portrait

La directrice générale-gérante de la Sacem porte haut et loin les couleurs de la France en matière de collecte de droits d’auteurs musicaux. Portrait d’une femme qui connaît la chanson, dans bien des domaines.

Sa réputation la précède. On la dit efficace et pragmatique. Négociatrice hors pair. Et sachant tirer avantage des situations les plus critiques. Quand on la rencontre à la Sacem, à Neuilly, c’est son énergie et sa simplicité qui s’imposent. Cécile Rap-Veber sait défendre les droits des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique depuis 2013. Mais elle ne se la joue pas.

Dans son bureau trône une photo noir et blanc de Jane Birkin et Serge Gainsbourg. « Elle est une interprète incroyable et lui l’un des dieux de la chanson française. » Sont exposés sans sectarisme les disques d’or et autres trophées d’Eddy Mitchell, des Stones, du Soldat Rose créé par Matthieu Chedid, de Vanessa Paradis, de Zazie, de Jenifer ou de Francis Cabrel. Autant de souvenirs de ses treize ans passés chez Universal Music France. Elle attend avec impatience l’affiche originale des Demoiselles de Rochefort que Rosalie Varda, la fille d’Agnès et Jacques Demy, va lui offrir. C’est l’un de ses trois films culte avec Peau d’âne et Les Hommes préfèrent les blondes. On est plus dans le conte de fées que dans l’univers des requins du business. « Jusqu’à seize ans, je voulais être présidente de la République pour améliorer le monde », rit-elle. Mais le choix d’une carrière politique aurait été « un suicide », explique-t-elle, au vu de sa « sensibilité exacerbée » et sa « capacité d’empathie ». Comment s’est-elle imposée dans sa vie professionnelle sans se casser les dents face aux YouTube, Netflix, Spotify et autres Apple Music qu’elle a fait plier ? N'a-t-elle pas su leur arracher une rémunération dès 2013 là où d’autres ont mis des années à obtenir leur obole ?

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Elle réfute l’hommage, trop consciente que les défis face aux géants du numérique font d’elle une Pénélope, perpétuellement appelée à tisser sa toile pour défendre les 196 000 membres de la Sacem dont 189 470 auteurs et compositeurs et 7 230 éditeurs de musique. En 2021, l’organisme créé en 1851 a collecté 1 056,4 millions d’euros (+7 % versus 2020). Ses trois sources majeures représentent chacune environ 30% de ses recettes : les médias (télévisions, radios, box des opérateurs), les concerts et le numérique. Cette dernière manne a rapporté 359 millions d’euros en 2021 soit +23 %. Un bond dû à l’efficacité de la plateforme Urights développée avec IBM depuis 2017 et qui a traité 170 trilliards de streams en 2021, soit 81 fois plus en cinq ans. La Sacem prend des allures de « data company », reconnaît-elle. Elle répartit des droits pour 370 000 auteurs, compositeurs et éditeurs dans le monde en 2021, passant de 178 à 184 accords de représentation avec des sociétés d’auteurs étrangers.

Le talent de Cécile Rap-Veber trouve sa source dans ses racines. « Dix-sept générations de créateurs », lance-t-elle fièrement, du poète parnassien José Maria de Heredia à l’auteur Tristan Bernard en passant par Francis Veber, son oncle, le réalisateur du Grand Blond avec une chaussure noire et du Dîner de cons. Sa sœur, Sophie Audouin-Mamikonian, est l’auteur de la saga Tara Duncan, vendue et adaptée dans le monde entier et sa mère a dirigé les théâtres de la Renaissance et des Variétés. « Quand je voyais tous ces talents autour de moi, je me disais que je n’en aurai jamais autant. J’ai choisi de les accompagner en devenant avocate en propriété intellectuelle. »

Elle intègre le cabinet de Sylvain Jaraud. « Elle a appris la négociation musclée et la ténacité dans ce cabinet spécialisé en musique », explique son alter ego de l’époque, l’avocat Emmanuel Pierrat. Pascal Nègre, qui dirigeait Universal Music, la débauche pour gérer les contrats avec ses artistes. Elle arrive dans un milieu encore flamboyant. Il s’effondre rapidement avec la crise du disque et l’émergence du streaming. Pascal Nègre la charge des nouveaux business, du droit à l’image aux concerts privés. « Elle a su manœuvrer dans cette tempête en comprenant les mutations qui s’opéraient et en saisissant les nouvelles opportunités du numérique notamment », poursuit Emmanuel Pierrat. Elle a l’art de grimper les marches quatre à quatre. Elle le fait chez Universal avant que la Sacem ne la débauche. Elle poursuit la même ascension dans cette société de gestion collective de 1 200 salariés où certains s’enterrent. Au point de déloger Jean-Noël Tronc en octobre dernier. La voilà reine de la piste, s’attelant aux problématiques du métavers, convainquant U2, Adèle ou autres Codplay de bénéficier des avantages inégalés de la loi française. Elle fait de la Sacem le leader mondial de la gestion des droits numériques. Reste à redresser les comptes, à continuer à baisser les coûts après un plan post-covid de 150 départs. Bref, à anticiper l'avenir dans cette République de la musique dont elle est un peu, finalement, la présidente. 

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Parcours

1996. Décroche son diplôme d’avocate au barreau de Paris.

1995-2000. Avocate à la Cour d’appel de Paris, elle travaille au sein du Cabinet de Sylvain Jaraud.

2000-2013. Intègre Universal Music France, en tant que directrice juridique et business avant de devenir directrice générale des nouveaux business en 2009.

2013.Travaille pour la Sacem en tant directrice des licences et membre du comité exécutif de la Sacem.

2016. Ses responsabilités s’étendent à l’international et aux opérations.

2021. Est nommée directrice générale gérante de la Sacem et succède donc à Jean-Noël Tronc.

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