Vincent Bolloré, à la tête du groupe français Vivendi, lancera jeudi 14 avril l'offre publique d'achat pour prendre le contrôle de Lagardère, dernière étape d'un assaut de plus de deux ans.
L'insatiable Vincent Bolloré, aux manettes du groupe français Vivendi, lancera jeudi 14 avril l'offre publique d'achat pour prendre le contrôle de Lagardère, ultime étape d'un assaut de deux ans sur le leader de l'édition française, Hachette Livre ainsi que des médias influents. Vivendi était entré au printemps 2020 au capital du propriétaire d'Europe 1, du JDD et de Paris Match, alors affaibli par la crise du Covid-19 (notamment sur son réseau de boutiques dans les gares et aéroports) et menacé par une fronde actionnariale.
Le poids lourd des médias, propriétaire de Canal+ mais aussi d'Editis et du groupe de communication Havas, avait su s'allier au fonds activiste Amber Capital pour obtenir une transformation de la citadelle imprenable Lagardère en société anonyme ordinaire et surtout «opéable». Après avoir mené bataille, Arnaud Lagardère, à la tête d'un empire industriel et médiatique construit par son père Jean-Luc, disparu en 2003, a dû se résoudre à accueillir «le groupe Vivendi et la famille Bolloré, gage de stabilité et de soutien à notre culture, notre stratégie et notre intégrité sur le long terme», a-t-il écrit récemment à ses actionnaires.
Trésorerie abondante
Ces derniers pourront, du 14 avril au 20 mai, céder leurs parts à Vivendi à 25,5 euros par action (comprenant le dividende de 50 centimes proposé par Lagardère au titre de l'exercice 2021), selon le projet d'offre qui doit être validé mardi par l'Autorité des marchés financiers (AMF). Aujourd'hui propriétaire de 45% des titres Lagardère, le groupe de Vincent Bolloré, qui dispose d'une large trésorerie après la cession d'Universal, souhaite à ce prix devenir majoritaire. Mais il a également imaginé un mécanisme d'offre subsidiaire lui permettant d'acquérir toute action restante au prix de 24,1 euros, et ce jusqu'au 15 décembre 2023.
«On ne sait pas encore si Bernard Arnault (qui détient 10% via la Financière Agache) et le Qatar (11,5% via Qatar Investment Authority) vont apporter leurs titres», explique notamment un analyste interrogé par l'AFP. Confronté à un lourd endettement personnel, Arnaud Lagardère, qui a obtenu de rester PDG jusqu'en 2027, a en revanche déjà fait part de son intention d'apporter ses 15,6 millions de titres (soit 11% du capital) à l'offre subsidiaire et de nantir immédiatement les droits de cession obtenus en garantie d'un nouveau financement. Le dirigeant ouvre ainsi la voie à une cession de ses titres, sans attendre la réalisation de l'opération qui reste suspendue au feu vert des autorités européennes de la concurrence.
Transmission en vue
Le rapprochement entre Hachette et Editis, les deux leaders de l'édition en France, aboutirait en effet à une position hautement dominante de cette nouvelle entité sur le secteur, que Vincent Bolloré lui-même avait reconnu devant des sénateurs en déclarant que le mariage «n'arriverait pas sans que des mesures soient prises en France», notamment des cessions de maisons d'édition. Sur le plan des médias, la radio Europe 1 est déjà bien arrimée à la chaîne d'information conservatrice CNews, avec qui elle partage nombre d'animateurs. L'intégration officielle de la station devra toutefois obtenir l'agrément de l'Arcom (ex-CSA). Quant au magazine Paris Match et à l'hebdomadaire le JDD, très influent dans le milieu politique, ils semblent destinés à être intégrés par Vivendi dans le groupe de presse Prisma Media, et ont vu ces derniers mois plusieurs dirigeants être limogés ou se retirer.
L'empressement de Vivendi à intégrer Lagardère peut s'expliquer par la volonté de Vincent Bolloré, qui a fêté ses 70 ans le 1er avril, de céder le pouvoir à ses enfants. Une transition pour laquelle des points restent à régler mais dont les contours semblent se dessiner: la banque Oddo BHF s'attend ainsi à ce que le prochain projet du groupe Bolloré, qui a les poches pleines après avoir aussi vendu pour près de 6 milliards d'euros ses activités de logistique en Afrique, soit de devenir majoritaire chez Vivendi, dont il détient aujourd'hui 29,5%. Ce faisant, Vincent Bolloré sécuriserait fortement son nouvel empire médiatique avant de le transmettre.