Quelles sont les relations du titre nordiste avec le Rassemblement national depuis les législatives de juin 2024, alors qu’il subit des intimidations répétées de la part de la municipalité d’Hénin-Beaumont ?
Stéphanie Zorn a compté : fin octobre, La Voix du Nord en était au 126e droit de réponse demandé par la mairie Rassemblement national (RN) d’Hénin-Beaumont depuis dix ans. La nouvelle rédactrice en chef, nommée en juin dernier en remplacement de Patrick Jankielewicz, connaissait les relations tendues avec la ville du Pas-de-Calais dirigée par Steeve Briois, puisqu’elle a fait toute sa carrière dans le journal. Mais elle est désormais en première ligne. « Leur stratégie est toujours la même, relate-t-elle : on les interroge, ils ne nous répondent pas mais demandent un droit de réponse à la parution de l’article, que l’on est obligé de publier. Hier encore, j’étais au téléphone pendant quarante minutes avec le rédacteur en chef du bureau de Lens-Liévin-Hénin sur ce sujet. C’est une perte de temps et aussi d’argent, car nous avons une procédure judiciaire en cours depuis 2015. »
Parfois, les journalistes du bureau local sont mis en cause nommément dans les pages du magazine municipal. Aucun autre média de la région ne fait l’objet du même acharnement. Faut-il répondre, porter plainte, faire profil bas ? La question occupe une grande partie de l’ordre du jour du conseil de rédaction, qui réunit la direction et les représentants syndicaux pour évoquer le traitement de l’actualité, au détriment d’autres sujets.
Un média de proximité
Dans le passé, La Voix du Nord s’est exprimé contre le parti de Marine Le Pen, titrant en 2015, avant les élections régionales, « Pourquoi une victoire du FN nous inquiète ». Aujourd’hui, le contexte a changé. Les élections européennes et législatives de 2024 ont montré le fort ancrage du vote RN dans les Hauts-de-France. Le Nord et le Pas-de-Calais comptent 17 députés Rassemblement national sur 33. La rédaction se retrouve face à des élus et des lecteurs qui ne partagent pas forcément ses idées, alors qu’elle vient de fêter les 80 ans du journal issu, comme toute la PQR, des valeurs de la Résistance. Elle doit pourtant continuer d’assurer sa mission de média de proximité. Comme le souligne Alexis Lévrier, historien des médias, « cette presse née du refus de l’extrême droite au pouvoir doit composer avec des élus capables d’hostilité envers les journalistes, qui se sont prononcés par exemple pour la privatisation de l’audiovisuel public. La réponse doit venir des enquêtes de terrain plus que des éditoriaux. »
Stéphanie Zorn le reconnaît, la situation à Hénin-Beaumont est particulière. Elle n’a pas de problème avec l’ensemble des élus RN. « Notre territoire a besoin d’apaisement, pas de davantage de division, soutient-elle. Nous ne sommes pas un média d’opinion mais un média d’engagement sur nos territoires. Notre réponse est d’être encore plus proches des habitants, encore plus sur le terrain. On résiste sans agressivité, dans le respect des électeurs et des lecteurs. » Car elle le rappelle, s’il en était besoin : « Il se passe des choses géniales dans cette région et dans la ville d’Hénin-Beaumont. »