La campagne des élections législatives a été marquée par une « régression phénoménale » de la place des femmes dans le débat public, estime Marlène Coulomb-Gully, spécialiste des questions de genre, de politique et des médias.

Les femmes ont voix au chapitre pourtant leur place régresse dans le débat public, d'après Marlène Coulomb-Gully, professeure émérite à l'université Jean-Jaurès à Toulouse. Ce recul s'est traduit notamment par l'absence de femmes lors des grands débats télévisés, à laquelle s'ajoute une baisse du nombre de femmes élues députées, relève Marlène Coulomb-Gully qui y voit un « backlash » concernant les droits des femmes et la parité.

Comment décririez-vous la place occupée par les femmes politiques lors de la campagne ?

Marlène Coulomb-Gully. Cette période a été marquée par une régression phénoménale. On a vu des reculs, en premier lieu dans les grands débats nationaux dans lesquels les femmes ont complètement disparu. On est revenu à une espèce de monde d'hommes, on a vu des hommes qui débattaient entre eux de sujets qui les concernaient. Les femmes ont pu ponctuellement, individuellement être interviewées, mais l'enjeu symbolique était complètement différent de celui d'un débat national. Cela a été extrêmement violent, la cheffe des écologistes Marine Tondelier l'a verbalisé, tout comme des associations féministes qui ont parlé de tentative d'invisibilisation. On a vu un recul aussi dans les programmes des différents partis. Ces programmes ont été écrits à la hâte compte tenu des circonstances et de la dissolution surprise et on voit qu'au final la question des droits des femmes a été réduite à la portion congrue, à quelques exceptions près. Cela nous ramène au fait qu'en cas d'urgence, la question des droits des femmes constitue une variable d'ajustement et se trouve reléguée au second plan, on est toujours dans ce que décrivait Simone de Beauvoir il y a cinquante ans.

Ce recul pose la question de la place des femmes au sein même des partis politiques. Qu'en est-il précisément ?

Les partis politiques ont toujours été fondés sur une « homosocialité » masculine, ce sont des cénacles d'hommes qui ont été forgés par des hommes pour des hommes. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas de femmes à la tête des partis. Europe-Ecologie Les Verts (EELV) fait partie des heureuses exceptions où on a eu très souvent des femmes à sa tête. Au PS c'est plus problématique et à droite on a eu des femmes cheffes de parti, mais jamais très longtemps, et on se souvient notamment que Michèle Alliot-Marie, qui avait pris la présidence du RPR, avait été saluée d'un très élégant « Nous sommes gouvernés par un vagin ». Marine Le Pen a, elle, réussi en étant à la tête du RN, à gommer en surface la tradition très antiféministe du parti, tradition qui persiste.

Est-ce que ce recul de la place des femmes est temporaire ou s'agit-il d'une tendance de fond ?

Quand on regarde les ratios, il semble que cette régression soit davantage un processus plus ancré. Après un record en 2017, la représentation des femmes à l'Assemblée nationale recule et c'est encore le cas cette année. Selon une étude de 2021, 74% des femmes élues locales disent subir du sexisme. On fait aujourd'hui face à un « backlash » (retour de bâton anti-féministe, ndlr.) alimenté par l'avancée de la pensée d'extrême droite et par des médias favorables à une vision très conservatrice du rôle que doivent jouer les femmes dans la société. Et ce backlash est tangible : que ce soit en temps de parole, en représentation, il y a une régression. C'est ce que pointait déjà en 2020 le dernier rapport du Projet mondial de monitorage des médias (GNMP). Le recul du nombre de députées n'est quant à lui pas anodin : celles qui portent les questions d'égalité à l'Assemblée sont en grande majorité des femmes, donc moins de femmes cela veut dire moins d'attention portée à ces questions-là.

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