Netflix et Carrefour, Canal+ et UGC… ont lancé récemment des offres d'abonnement couplées. Un levier de croissance qui présente pour eux plusieurs avantages et pose la question du partage de la data.
Contre-intuitif. Tel est apparu le partenariat signé en janvier entre Netflix et Carrefour. Pour 5,99 euros par mois, leur offre commune ouvre l’accès à Netflix avec publicité et à 10 % de rabais sur des produits Carrefour. Pour le moment, seuls les consommateurs de Rouen et de Bordeaux sont concernés. Près d’un mois plus tard, Canal+ et UGC se rapprochaient à leur tour pour proposer aux moins de 26 ans une offre illimitée couplant cinéma et abonnement à la chaîne cryptée pour moins de 26 euros par mois.
« Rien de nouveau sous le soleil », estime Michael Mansard, directeur Europe du think tank Subscribed Institute (Zuora), spécialisé dans l’étude des dynamiques d’abonnement. Canal+ est déjà partenaire de Netflix, Prime, Disney+, BeIn et même de Free pour distribuer des contenus ou être distribué. « Le roi du bundle [produits associés et vendus ensemble] était Amazon Prime qui proposait à la fois la livraison, Audible et la VOD [Prime Video], rappelle l’expert, ou les opérateurs télécoms, pour des services de sécurité. » Mais nouer un partenariat n’est pas la même chose que tout faire soi-même comme Amazon.
Quoi de nouveau ? « Il y a une accélération, complète-t-il, du fait d'une saturation du marché de la VOD, d'un ralentissement de la croissance du streaming et d'une plus grande diligence des consommateurs sur leurs dépenses ». Cela avait déjà conduit les grandes plateformes à lancer des offres avec publicité ou à rationaliser le partage de comptes.
Les avantages du package
Pour les médias, proposer ce type d’offres présente plusieurs avantages. C’est un canal de distribution supplémentaire, un levier de fidélisation client, un moyen de diversifier ses canaux d’acquisition. « Cela oblige à développer son muscle sur la segmentation des offres », remarque Michael Mansard. Car pour lancer une offre couplée, il faut trouver la bonne formule pour la différencier et la monétiser. Pour UGC et Canal+, « c’est intéressant qu’ils décident de ne plus se faire la guerre », estime Renaud Kayanakis, directeur télécoms, médias et divertissement du cabinet de conseil Sia Partners. Car la salle de cinéma et la plateforme sont parfois vus comme concurrents, malgré des points de convergence, notamment côté production.
L’intérêt réside aussi dans la data. Le détail des contrats sur le partage des données entre partenaires n’est pas public. En théorie au moins, Netflix, par exemple, pourrait se servir des informations obtenues dans un cadre contractuel et légal pour améliorer le ciblage de ses publicités. Voire pour faire évoluer son modèle et, comme le pronostique Renaud Kayanakis, « découvrir à quel moment il est opportun de facturer les clients tous les mois », au lieu d’opérer le prélèvement mensuel à la date anniversaire de la souscription, et de risquer un rejet..
Quel impact sur la valeur de la marque média ? En l'espèce, « pas de risque de transfert de bonne ou de mauvaise expérience », juge l’expert de Sia Partners. Mieux, Netflix se pose en défenseur du pouvoir d’achat « en disant aux abonnés qu’ils n’ont plus à choisir entre la consommation entertainment et l'alimentaire ». Pour aller plus loin, « il s’achète une image de Netflix à la française, en bénéficiant de l’aura de la grande distribution tricolore », avance-t-il.