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Après Netflix et Disney, Prime Video lancera en avril son offre publicitaire. De quoi donner l’occasion à ce marché encore confidentiel de se réveiller ?

En avril prochain, le marché publicitaire de la vidéo digitale pourrait susciter l’intérêt des annonceurs avec l’arrivée de Prime Video. Les millions d’abonnés - pour 6,99 euros par mois - au service premium de la plateforme seront en effet automatiquement exposés aux publicités. Amazon France, qui n’a pas souhaité nous répondre, explique par communiqué qu’« aucune action n’est requise de la part des membres Prime », mais proposera « une nouvelle option sans publicité dont le prix sera communiqué ultérieurement ». En Allemagne, où l’offre publicitaire du groupe a été lancée fin janvier en même temps qu’aux États-Unis, au Canada et au Royaume-Uni, les abonnés publiphobes doivent s’acquitter de 3 euros en plus par mois pour être épargnés par les messages des marques.

Outre son intérêt quantitatif, l’offre d’Amazon bénéficie d’un véritable atout qualitatif, proposant des perspectives de ciblage poussé. Car le mastodonte de l’e-commerce compile des datas très détaillées sur les achats, les centres d’intérêt et les requêtes de ses utilisateurs. À l’inverse de ses concurrents - qu’ils soient services de streaming payant ou groupes audiovisuels -, nul besoin d’accord avec les opérateurs du retail média pour proposer aux marques une segmentation de son audience enrichie des données de consommation et comportementales.

L’autre différence notable réside dans la stratégie. « Celle de Disney et Netflix consiste à gagner des audiences supplémentaires en proposant des contenus aux abonnés à coût réduit avec la publicité, analyse Julien Domingues, head of trading chez Dentsu. Pour Amazon, où les abonnés auront par défaut de la publicité, il s’agit plus de développer du chiffre d’affaires que de l’audience. » Pour justifier cette ouverture à la publicité, le groupe de Jeff Bezos affirme d’ailleurs vouloir « continuer à investir dans du contenu de qualité sur le long terme, courant 2024 ». Tout en précisant que « les séries et films Prime Video incluront un nombre limité de publicités en France, […] moins que la télévision linéaire et que les autres services de télévision à la demande. »

Insatisfaction

En attendant, les offres publicitaires de Netflix et Disney, où l’on observe le même mutisme face aux médias, tardent à séduire jusqu’ici le marché. Certes, le groupe Disney indiquait dans un communiqué en octobre 2023 que 50 % de la conquête d’abonnés aux États-Unis se faisait par son offre publicitaire. Mais alors que Netflix se fixait un objectif initial de 10 % de son chiffre d’affaires réalisés par la publicité, Greg Peters, co-PDG du groupe, ne cachait pas sa frustration en octobre dernier. « Nous ne sommes satisfaits de l’échelle à laquelle nous nous trouvons dans aucun des pays dans lequel nous sommes présents sur la publicité », déclarait-il, lors de la présentation des résultats trimestriels. Fin janvier, il se montrait plus nuancé : « le nombre d’abonnements publicitaires a augmenté de 70 % d’un trimestre à l’autre, l’offre publicitaire représentant désormais 40 % des nouveaux membres là où elle est disponible. »

Au global, Netflix revendique 23 millions d’utilisateurs actifs par mois dans le monde, pour 260 millions d’abonnements payants, et compte poursuivre la conquête, envisageant « de retirer [son] plan de base dans certains de nos pays publicitaires, en commençant par le Canada et le Royaume-Uni au deuxième trimestre ». Plutôt un maximum d’abonnés avec publicité à 5,99 euros, que des abonnés sans publicité à 13,49 euros ! Reste que Netflix n’a pas l’intention d’étendre son offre publicitaire à de nouveaux marchés. « Les pays dans lesquels nous opérons actuellement représentent environ 80 % des dépenses publicitaires mondiales, relevait le co-PDG. Nous verrons avec le temps, mais nous avons des années de travail devant nous pour amener le secteur de la publicité au point où il aura un impact matériel sur notre activité générale. »

Un ticket d'entrée trop élevé

Et de l’activité en France, il en reste, avant de se faire une place sur le marché. « Chez Netflix et chez Disney, le ticket d’entrée s’avère trop élevé, indique Céline Baumann, directrice France de Magna (IPG Mediabrands), avec un coût pour mille qui avoisinait les 50 euros au début, alors qu’il est de 8 à 12 euros en TV linéaire et de 20 à 25 euros pour la vidéo digitale. » Même constat pour l’expert de Dentsu, pour qui « les lancements ont été faits à des tarifs trop élevés ». Céline Baumann juge par ailleurs les conditions d’utilisation pas forcément optimales : « Chez Disney, il faut s’engager sur une longue durée pour une campagne, c’est impossible sur une ou deux semaines. On peut donc y aller, mais en toute connaissance des limites existantes. »

Ce problème de souplesse publicitaire est, selon Julien Domingues, « lié au peu d’inventaire, qui oblige à faire des campagnes longues, en attendant que les audiences décollent ». Encore faudra-t-il que l’audience, communiquée seulement par les plateformes, soit mesurée selon les critères en vigueur sur le marché des médias en général. « Agences et annonceurs se sont largement exprimés sur la nécessité de mesurer ces nouveaux acteurs par l’intermédiaire de dispositifs opérés par des tiers neutres et indépendants d’une part, et reposant sur des indicateurs permettant une comparaison transparente des inventaires publicitaires d’autre part, explique Julien Rosanvallon, DGA de Médiamétrie. Le développement de systèmes d’automesure n’est pas une alternative souhaitable pour le marché. Médiamétrie doit pouvoir produire une réelle monnaie publicitaire qui fait le lien entre l’univers linéaire de la TV et l’univers de la vidéo à la demande. »

Pour y parvenir, il faudra que les plateformes concernées partagent leurs données. « Des discussions sont en cours, et plusieurs tests ont d’ores et déjà été lancés pour définir un protocole qui permettra d’opérer la mesure », indique le représentant de la société d’études. Selon lui, « la mise en œuvre de ces nouveaux outils publicitaires cross nécessite aussi de s’accorder sur les métriques qui permettront de faire le lien entre ces différents univers ». Les plateformes ont décidément encore du travail.

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