A La Rochelle, de nombreuses œuvres attestent d’une montée en puissance des plateformes. Mais l’IA suscite autant d’inquiétudes que d'attentes.
Le Festival de la fiction de La Rochelle, qui s’est achevé le 17 septembre, a fait la part belle aux nouveaux acteurs : Disney+ y a présenté sa dernière série, Irrésistible, avec Camélia Jordana, tandis que Prime Video faisait l’événement avec la série Killer Coaster, incarnée par Alexandra Lamy, Audrey Lamy et Chloé Jouannet. Au palmarès 2023, Prime Video l’emportait dans l’unitaire avec Drone Games tandis que France.tv Slash obtenait les prix des meilleures séries de 26 minutes (Parlement) et de moins de 20 minutes (Océan, faire famille) et que YouTube recevait la palme des collégiens pour un 7x2 mn intitulé Les Glands ne savent pas sauter.
Prime Video, Disney+, France.tv ou YouTube sont, chacune dans leur style, des plateformes. Alors que plus de la moitié des foyers français sont abonnés à une offre de SVOD et que la durée d’écoute de la télé tend à baisser depuis trois ans (-17%, à 202 minutes, et -30% pour les 25-49 ans), « tous les éditeurs sont engagés dans un indispensable mouvement de réorientation stratégique », dixit Roch-Olivier Maistre, le président de l’Arcom. Service à la demande financé par la pub ou les abonnements, chaîne gratuite en streaming, distribution linéaire ou non linéaire, smart TV… 88% des téléviseurs sont équipés de smart TV, et YouTube, par exemple, est déjà consommé à 30% par l’écran de télévision.
Pour Rodolphe Belmer, le PDG de TF1, pas question de transformer TF1 en plateforme : il s’agit plutôt d’additionner deux distributions, linéaire et non linéaire. Mais Guillaume Charles, directeur des programmes de M6, demande aussi de lutter contre les asymétries. Le décret Smad, qui doit être adapté à l’échelle européenne, a eu déjà l’effet vertueux d’intégrer les plateformes dans le financement de la création. « En France, les obligations sont 4 à 5 fois supérieurs aux autres pays européens », note Pascal Rogard, directeur général de la SACD.
Mais l’avenir se prépare aussi en regardant l’IA. Du script aux effets spéciaux, en passant par le décor, la musique, les traductions, voire les personnages eux-mêmes, tout peut-être façonné par l’IA. « C’est formidable au sens latin, c’est-à-dire que ça fait peur, a observé Delphine Ernotte, la PDG de France Télévisions. Il faut comprendre comment ça marche et donc l’utiliser ». Et, selon elle, ne pas craindre « l’industrialisation des contenus » par l’automatisation car elle va redonner toute sa place à l’incarnation et la responsabilité d’auteur.
À TF1, Rodolphe Belmer, appelle aussi à aller au-delà de la posture défensive : « L’IA va nous aider pour indexer beaucoup plus rapidement les contenus. Mais l’IA peut être aussi au service de la qualité de la production. Ce que je subodore, c’est qu’elle va nous permettre de produire des valeurs de spectacle de façon beaucoup moins chère qu’aujourd’hui ». À condition, selon Pascal Rogard de jouer la transparence sur l’utilisation des œuvres, avec un système d’opt out, et que l’exception au droit d’auteur qui permet la fouille des données pour les chercheurs ne soient pas utilisées pour aspirer les œuvres. Après, ajoute-t-il, on peut envisager des systèmes d’aide du CNC qui favorisent l’humain par rapport aux robots.