Dossier Radio
Si elles pèsent moins dans le paysage économique que les grandes plateformes de streaming, les radios restent prescriptrices en matière de musique. Et ne manquent pas d’atouts pour se différencier.

Qu’ils soient en voiture, dans le métro ou en télétravail, les Français qui écoutent de la musique le font principalement via la radio. Selon la dernière étude Global Audio de Médiamétrie, la radio ne représente pas loin de la moitié (44 %) du volume d’écoute de la musique sur la journée, devant le streaming (30 %), la vidéo (14 %) et la bibliothèque personnelle (13 %). Autres enseignements de l’institut, la musique représente la première motivation d’écoute de la radio et la moitié des auditeurs se tournent vers celle-ci pour découvrir de nouveaux titres ou artistes et suivre l’actualité sur la thématique, contre 30 % pour les plateformes. C’est dire son pouvoir prescripteur…

Ouvrir les horizons

Ce pouvoir, les radios musicales, bien que parfois dénigrées comme des robinets à musique, l'entretiennent en facilitant cette découverte. Sur ce volet, un nouvel acteur, au-delà des plateformes, entre d’ailleurs dans l’équation, les maisons de disques, qui signent les artistes. « Les plateformes imposent que les sorties soient calées sur elles-mêmes. Être prescripteur, c’est aller chercher les titres avant qu’ils ne soient signés, c’est décider de rentrer des titres quand on le souhaite, explique Frédéric Pau, directeur délégué de Virgin Radio. Angèle, on l’a jouée longtemps tout seuls. » Les stations réalisent leur sélection : in fine, il s’agit de proposer un tri voire un accompagnement aidant à s’y retrouver dans les bibliothèques exhaustives de millions de morceaux que constituent les Deezer, Spotify et autres plateformes spécialisées.

À cet égard, le service public avec Radio France affirme son rôle à part. En témoignent le changement de nom, en juin, de la maison ronde en «  Maison de la Radio et de la Musique » et la volonté de doter l’application Radio France d’un nouvel espace dédié à la musique d’ici à la fin de l’année. Alors que les algorithmes des plateformes ont tendance à enfermer chacun dans ce qu’il écoute déjà, le groupe veut ouvrir les horizons. « Nos radios, qui font de la diversité et de la découverte leur marque de fabrique, jouent un rôle indispensable dans le paysage musical aujourd’hui puisqu’elles répondent ainsi à un besoin qui n’est pas rempli par le système actuel d’offres de streaming payantes ou de médias sociaux vidéo », expose Sibyle Veil, PDG de Radio France. Selon la communication du groupe, 39 % des titres joués à la radio en France le sont seulement sur ses antennes et plus de 80 % des titres diffusés sur FIP et 53 % de ceux joués par France Inter sont des morceaux que ne propose aucune autre radio.  

Jukebox géant

Face aux plateformes, les radios musicales - dont NRJ, qui n’a pas souhaité répondre à nos questions - jouent aussi sur l’incarnation. « La différence, c’est la vie, l’incarnation. Les plateformes sont un jukebox géant. Nous, c’est la vie, le direct, l’interactivité, le sentiment d’être accompagné. La radio est le meilleur compagnon des gens. Nous sommes à côté d’eux dans la voiture », développe Stéphane Bosc, directeur délégué de RFM. La station mise par exemple sur des sessions live avec les artistes et des semaines spéciales, comme ce qui a été organisé avec Clara Luciani le 11 juin et les jours suivants pour la sortie de son nouvel album. 

C’est particulièrement le cas lors des matinales, temps fort de l’écoute de la radio. Pour pallier la baisse des audiences durant l’année 2020, les musicales du groupe M6 ont d’ailleurs rallongé leurs programmes du matin, aussi bien RTL2 que Fun Radio avec Bruno Guillon. Autre clé pour se différencier des plateformes : « nous événementialisons nos programmes, nos contenus, nos marques radio pour un accès privilégié aux artistes », dépeint Tristan Jurgensen, directeur général de Fun Radio et RTL2. Sur ce plan, il semble que la crise sanitaire ait ouvert de nouvelles perspectives. RTL2 a ainsi testé les concerts en visio dans une salle vide ou avec peu de public mais retransmis à l’antenne et sur le digital, par exemple avec Vianney depuis le théâtre parisien du Ranelagh en avril dernier ou Calogero depuis L’Européen en juin.

Des concerts avec des drones

L’enjeu de la différenciation se pose de manière particulière pour le public jeune, particulièrement friand des plateformes même si chaque jour, selon Médiamétrie, près de 18 millions de personnes âgées de 13 ans et plus écoutent des stations musicales nationales. Le groupe Radio France a lancé début 2021 le concours #Chantez20ansen21 pour soutenir les jeunes artistes. De son côté, Fun Radio a imaginé des rendez-vous comme le Fun Radio Live Stream Experience, concert électro filmé en janvier et juin derniers dans un Bercy vidé de son public. Autre particularité, des drones ont été utilisés. Le spectacle a séduit 1,5 million de personnes sur la première édition.

Reste à préciser que les plateformes et les radios ne sont pas dans une opposition totale. S’il existe une problématique sur la mise à disposition et l’exploitation des contenus ou une concurrence en termes d’audiences, les deux sont également connectées. La meilleure preuve en est le fait que les radios parlent désormais largement d’audio et s’appliquent à se déployer sur leurs propres plateformes digitales (lire article précédent P. 30)  « La plateforme de stream a remplacé le jukebox. C’est la musique que vous aimez, pas celle que vous découvrez. Une diffusion radio engendre le maximum de streams », avance Stéphane Bosc.

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