STREAMING

Netflix se tourne vers l'engagement des utilisateurs plutôt que vers les chiffres d'abonnés. Dès 2025, elle cessera de publier ses gains d’abonnés trimestriels pour se concentrer sur le temps passé à regarder des contenus, face à une concurrence accrue et un marché saturé.

Netflix continue de gagner des millions d'abonnés mais le géant du streaming est désormais concentré sur la rétention et l'engagement d'utilisateurs noyés sous une offre de divertissement pléthorique. Le groupe californien compte plus de 277 millions d'abonnés dans le monde, après avoir gagné plus de huit millions de nouveaux abonnements au deuxième trimestre, un résultat à nouveau supérieur aux attentes.

Il a aussi dépassé les attentes de Wall Street avec 9,56 milliards de dollars de revenus, dont il a dégagé 2,15 milliards de bénéfice net, selon son communiqué de résultats publié jeudi. A partir de 2025, la plateforme ne divulguera cependant plus ses gains (ou pertes) d'abonnés tous les trois mois, pour se concentrer sur les mesures « d'engagement » de l'audience (temps passé à regarder des contenus).

L'engagement « est la clé du succès de Netflix. C'est le meilleur indicateur que nous ayons pour mesurer le plaisir de nos utilisateurs », a indiqué le pionnier du secteur. « Lorsque les gens regardent plus, ils restent plus longtemps (fidélisation), parlent plus souvent de Netflix (ce qui favorise l'acquisition de nouveaux abonnés) et accordent une plus grande valeur à notre service. »

Netflix a vu le nombre d'abonnés exploser ces derniers trimestres notamment grâce au durcissement de sa politique sur le partage de mots de passe entre utilisateurs, mais ce mécanisme joue de moins en moins, remarque Ross Benes, du cabinet Emarketer. La service « arrive à saturation sur certains marchés, donc le temps passé (à regarder des contenus) lui est plus favorable », explique l'analyste.

« Chaque seconde »

Sur ce terrain, Netflix n'affronte pas seulement ses concurrents directs (Disney, Apple, Amazon, Max, etc.) mais aussi les nombreuses plateformes de streaming et divertissement, de YouTube aux jeux vidéo en passant par TikTok et les chaînes de télévision.

En juin, YouTube était ainsi le premier service de streaming aux Etats-Unis, avec près de 10% des parts de marché de l'audiovisuel, Netflix arrivant en deuxième position avec 8,4%, selon l'institut Nielsen. « La concurrence pour le divertissement est super intense », a reconnu Ted Sarandos, codirecteur général du groupe, lors d'une conférence pour les analystes. « Et nous nous battons pour chaque seconde passée à visionner nos contenus. »

Des séries à succès comme « La Chronique des Bridgerton », dont la troisième saison a débuté en mai, contribuent largement à la domination de Netflix. Mais cette domination « montre des signes d'affaiblissement », estime Mike Proulx, vice-président de Forrester.

Selon une étude de ce cabinet, c'est « le seul grand diffuseur qui a vu son utilisation mensuelle diminuer parmi les adultes américains en ligne en 2024 ». « Il est donc d'autant plus important pour Netflix de continuer à mettre l'accent sur ses activités publicitaires afin de diversifier et d'accroître ses revenus », ajoute l'analyste.

Place au direct

Greg Peters, codirecteur général, a assuré que la croissance de la base d'abonnés à la formule avec publicité était alignée avec leurs objectifs. Mais la plupart des autres plateformes proposent aussi des abonnements avec de la pub, suscitant une concurrence renforcée auprès des annonceurs. Pour les séduire, Netflix met les bouchées doubles dans les événements diffusés en direct, très appréciés des marques.

Dans le sport, l'entreprise a ainsi passé un accord sur dix ans avec la ligue professionnelle américaine de catch WWE, moyennant 5 milliards de dollars, et elle diffusera en direct samedi un match de boxe entre le YouTubeur et apprenti boxeur Jake Paul et la légende des rings Mike Tyson.

Surtout, elle a acquis en mai les droits d'au moins quatre matchs de la ligue professionnelle de football américain NFL, qui auront lieu lors des trois prochains Noël. Netflix s'était jusqu'ici tenu à l'écart des compétitions traditionnelles, qui suscitent des audiences record mais coûtent cher. Selon le Wall Street Journal, le groupe va dépenser 75 millions de dollars pour chacun des deux matchs de cette année.

Le service multiplie aussi les émissions en direct dans d'autres domaines comme l'humour. Le 3 août, il retransmettra un spectacle de Joe Rogan, un humoriste très connu aux Etats-Unis, régulièrement accusé de relayer des théories complotistes, notamment sur son podcast.

« Les recettes publicitaires ne sont pas encore assez importantes pour que l'entreprise les communique publiquement », souligne Ross Benes. « Mais une année de sports et d'autres événements en direct est sa meilleure chance de changer cette situation. »

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