Un événement dans l'événement: Amazon (Prime Video) diffuse pour la première fois en France une partie des matches de Roland-Garros, illustrant la montée en puissance des géants du streaming dans les compétitions sportives et la mutation du paysage audiovisuel.
La plateforme américaine diffuse depuis lundi 1er juin des sessions nocturnes en direct du célèbre tournoi parisien, et d'autres matches en exclusivité, avec l'expertise d'anciens champions comme Amélie Mauresmo, Fabrice Santoro, Marion Bartoli ou Arnaud Di Pasquale.
Si le groupe diffusait déjà des compétitions à l'étranger (US Open, football américain, Premiere League...), c'est la première fois qu'une plateforme de streaming devient le codiffuseur d'une compétition majeure en France (aux côtés de France Télévisions, partenaire historique de Roland-Garros). Autant dire que le groupe est attendu au tournant.
«Nous sommes très heureux de ce lancement. Cela va prendre du temps pour que les téléspectateurs s'habituent mais au fur et à mesure que nous allons déployer notre couverture du tournoi et communiquer sur notre offre, il y a une dynamique qui ne va cesser de grandir», assure auprès de l'AFP Alex Green, directeur des sports pour l'Europe chez Amazon ; celui-ci se refuse à dévoiler des chiffres d'audience ou le nombre de nouveaux abonnés recrutés grâce au tennis.
Pour Amazon, durant Roland-Garros, «tout l'enjeu va être de convertir une partie des spectateurs en consommateurs (pour son site de vente en ligne) et en abonnés», souligne Christophe Lepetit, responsable des études économiques du Centre du droit et d'économie du sport (CDES).
«Nous avons beaucoup d'objectifs, mais le plus important pour cette première année, c'est de bien réussir» la diffusion du tournoi, déclare Alex Green. «Nous sommes là pour trois ans», assure le groupe qui a acquis une partie du tournoi jusqu'en 2023.
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Du côté de France Télévisions, on se montre serein face à cette nouvelle concurrence. «Nous avons un rôle de vitrine qui est essentiel pour le sport, pour qu'il soit vu par le plus grand nombre et séduise de nouveaux adeptes, simples téléspectateurs ou futurs pratiquants. Et seules les grandes chaînes de télévision en clair sont capables de faire cela», explique à l'AFP Laurent-Eric Le Lay, directeur des sports du groupe public, en amont du tournoi.
Selon lui, les diffuseurs gratuits et payants jouent en réalité sur des tableaux différents et peuvent parfaitement coexister comme à Roland-Garros. «À France Télévisions, notre force, c'est que lorsque l'on propose la diffusion d'un événement sportif, on attire des spectateurs qui ne sont pas forcément des fans. Les plateformes payantes, elles, ont plutôt tendance à attirer les fans, car ce sont eux qui sont prêts à payer pour regarder», fait-il valoir.
«On a longtemps cru que les plateformes de streaming, ou d'autres nouveaux acteurs comme Facebook ou Twitter, allaient acheter des droits télé à des prix élevés et supplanter très rapidement les acteurs traditionnels. Mais ce raz-de-marée qu'on pressentait il y a 5-6 ans ne s'est pas produit», observe de son côté Christophe Lepetit. Selon lui, c'est parce que les droits de retransmission mis en vente par les fédérations n'étaient pas vraiment adaptés à leurs besoins.
Mais à en croire Alex Green, d'Amazon, ce n'est désormais plus le cas. Selon lui, c'est lié aux changements d'usages du public. «C'est désormais très facile pour tout le monde de regarder ce type d'événements en streaming», quel que soit l'écran utilisé (téléviseur, téléphone, ordinateur, tablette), relève-t-il.
«On va probablement de plus en plus vers ce type de codiffusion», mêlant accès payant et gratuit, avance de son côté Christophe Lepetit. Il rappelle que les chaînes françaises restent protégées par le décret sur les événements sportifs d'importance majeure, qui impose de retransmettre sur une chaîne en clair les plus grands rendez-vous sportifs.
En tout cas, pour les ayants droit, «tout n'est pas qu'une question d'argent», prévient Laurent-Eric Le Lay. «Ceux qui organisent leurs appels d'offres uniquement sur les aspects financiers jouent parfois avec le feu. La meilleure preuve, c'est malheureusement ce qui est arrivé à la Ligue de football», avec les déboires de Mediapro l'an dernier, rappelle-t-il.
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