Après un parcours qui l'a mené du Monde à BFM Business, en passant par RMC et TF1, le journaliste Christophe Jakubyszyn a pris la tête des rédactions du groupe Les Échos. Il s'est imposé par son projet et son approche digital first.

À l’image de sa silhouette impeccable, tout est pesé dans le CV de Christophe Jakubyszyn. Son parcours relève de la méritocratie libéralo-journalistique. Une quête de l'excellence qui a atteint son climax au printemps avec son élection à la direction des Échos. Au risque d'essuyer une sacrée déconvenue, il a choisi de démissionner de la matinale et de la direction de la rédaction de BFM Business pour faire campagne auprès de la rédaction du quotidien. Un score digne d’un scrutin stalinien : 92,1% des inscrits ont voté en faveur du candidat identifié par Mathieu Gallet, président du conseil de surveillance et choisi par LVMH, propriétaire des Échos-Le Parisien. Sur 251 journalistes, cela signifie qu'il n'y a eu que 7,9% de « contre ». De quoi faire oublier la crise de gouvernance liée au rejet de la candidature de François Vidal, en septembre 2023, soutenue par l'actionnaire.

« Après un an de crise, son arrivée a été bien accueillie car il vient de l’extérieur porté par une volonté de changer une mécanique qui ronronnait trop. Il a aussitôt insufflé des unes plus toniques » témoigne un journaliste. « Bon accueil, entrée en scène parfaite, dynamique, consciencieux, agréable, compétent, bon communicant » : les éloges sont partagés par ceux qui s'expriment en off, forcément, depuis que Bernard Arnault a fait savoir à ses cadres son peu d’appétence pour les confidences dans la presse. Fort de 7 500 interviews de patrons en cinq ans sur BFM Business, le nouveau directeur connaît la règle des 100 premiers jours, période de grâce de tout manager.

« Il faut qu’il gère une rédaction assez vieille et conservatrice avec des salariés plus jeunes, dédiés au web et impatients de bouger », explique une autre source. Ses projets incluent le web first, un nouveau cahier le vendredi, un toilettage des Échos Week-End, l’intégration des Échos Start et un rendez-vous de 18-20 heures qui prendra le lead sur l’application existante. « La pierre angulaire de sa campagne était une nouvelle appli mais face aux moyens nécessaires, le projet est devenu un espace dédié sur l’appli existante », regrette un salarié. Un autre assure : « Toute cette réorganisation implique 20% de mobilité interne (40 journalistes) mais à budget constant. Seules trois personnes ont été recrutées à la vidéo. »

Un défaut avouable ? « Je peux avoir de grosses colères quand la marmite boue, puis explose, mais je ne suis pas rancunier », nous confiait Christophe Jakubyszyn le 9 octobre, en marge d'une conférence de presse. Les équipes réunies en AG s’en sont rendu compte. En cause ? Les permanences du dimanche qui incluent désormais des samedis. En filigrane, la crainte d’un « autre 7 octobre 2023 ». En clair : des chefs censés être joignables aux abonnés absents, laissant des journalistes non experts livrés à eux-mêmes. « C’était le premier clash. Le ton est monté alors qu’aux Échos on ne s’énerve pas d’habitude », confie un journaliste. « Il a nommé plus de chefs que l’on pensait et la charge est lourde à effectif constant. J’ai vu des gens aguerris et rarement déstabilisés les larmes aux yeux. Il y a déjà des arrêts de travail et d’autres se profilent », ajoute un autre. Le lendemain, un long mail explicatif, que nous avons consulté, détaillait le nouveau process en laissant place à la discussion. La pression est retombée.

Bien entouré

Pas de quoi affoler pour autant ce fils d’un botaniste du Muséum national d’Histoire naturelle de Paris, poète et contemplatif, et d’une Bretonne DRH à l’Université Pierre-et-Marie-Curie. Enfant, il crée un journal à son école et concocte des émissions de radio sur des K7. Il grandit dans un univers attentionné. À 7 ans, ses parents se séparent et inaugurent la garde alternée. Ses vacances se passent dans le château du Loiret de la famille de La Tour du Pin où ses grands-parents ukrainiens sont employés. Les enfants du comte et de la comtesse jouent avec ceux venus du personnel, sans discrimination. Aujourd’hui encore, il passe ses vacances en famille en Corse avec la journaliste, Pascale, cousine par alliance des châtelains et retrouvée à BFMTV. « C’est un passionné, travailleur acharné, extrêmement vif et curieux, toujours de bonne humeur et en mouvement », nous dit-elle. Un revers à la médaille ? « Il est têtu et peut-être de mauvaise foi », concède-t-elle.

Bon fils, bon élève (Sciences Po, Essec), marié, il est aussi un salarié apprécié de ses managers, dont il parle comme d’amis, d’Hervé Gattegno, son chef au service Investigation du Monde à Alain Weill, qui le veut tant à la direction de RMC qu’il ne le libère qu’après la signature du contrat et quatre heures d’entretien. Suivront Catherine Nayl et Nonce Paolini, dont il raconte qu’il lui disait refuser chaque année sa tête au président Hollande suite à la publication de son livre sur Valérie Trierweiler. Les secousses, il connaît. Ça retombe.

Parcours

1992. Dîplomé de Sciences Po et de l’Essec, il travaille pour L’Oréal en Finlande puis comme administrateur de la Commission européenne.

1995-2009. Le Monde, service économique et politique, après l’AFP puis La Tribune.

2009-2012. Direction de la rédaction de RMC.

2012-2019. Directeur adjoint en chargé du service politique de TF1-LCI.

2019-2014. Présentateur de la matinale de BFM Business et à partir de 2022 il devient en plus directeur de la rédaction.

Depuis avril 2024. Directeur des rédactions des Echos.

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